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1705 ã. (âåñíà) * — Ïèñüìî Îðè ê ïôàëüöêîìó êóðôèðñòó

(* Ýòî ïèñüìî Ýçîâûì ïðåäïîëîæèòåëüíî äàòèðîâàíî íà÷àëîì 1704 ã. Èñõîäÿ èç ñîäåðæàíèÿ òåêñòà, ìû ïåðåñìàòðèâàåì ýòó äàòèðîâêó)

(Sitzungsberichte der philosophisch-philologischen und der historischen Classe der k. b. Akademie der Wissenschaften zu Muenchen. 1893. Bd. II Heft. III. Muenchen, 1894. S. 312-317).

Tres Serenissime Electeur.

Je remercy des millions de fois Vostre AJtesse Serenissime Electorale de la grace, qu’elle m’a fait d’ordonner l’expedition de mes [261] depeches. Je prie Dieu et du plus profond de mon c?ur, que ces lettres apportent autant de biens et de secours aux pauvres peuples de nos pays pour la plus grande gloire de Vostre Altesse Serenissime Electorale, que Vostre Altesse Serenissime Electorale, en a apporte a l’empire la campagne passee, qui, comme on dit par tout, estoit en grand danger sa(ns) la grande assistance de Vostre Altesse Serenissime Electorale. Mais aussy, comment se pourroit-il faire, que le grand Dieu ne comble Vostre Altesse Serenissime Electorale de benedictions, voyant que Vostre Altesse Electorale a tant de bontes et de charite pour des pauvres peuples Chretiens, qui gemissent sous l’esclavage des infidels, et lesquels (tant Armeniens que Georgiens et autres) prient incessament Dieu pour la sante et longue vie et prosperite des hautes entreprises et des armes de Vostre Altesse Serenissime Electorale, esperants que par le moyen de Vostre Altesse Serenissime Electorale ils seront un jour delivre de leurs esclavage.

Comme en l’annee 1698 je priai Vostre Altesse Serenissime Electorale par un memoire, de me faire la grace, de me donner un officier de la cour de Sa Serenite, pour le mener avec moy dans nos pays, pour voir et remarquer tout ce que je feroispour le service de Vostre Altesse Serenissime Electorale, mais comme c’estoit dans un temps de guerre avec les Turcques, Vostre Altesse ne le trouva pas a propos. Mais presentement j’ose esperer des bontes infinies de Vostre Altesse Serenissime Electorale, qu’elle me fera la grace de me donner quelqu’un de la cour (quand ce seroit le moindre ecrivain) pour aller en Perse avec moy, pour estre temoin des honneurs, dont je pretend (moyennant la grace de Dieu) faire a Vostre Altesse Serenissime Electorale, lequel pourra aussy rendre compte a Vostre Altesse Electorale de tout ce que j’ay fait jusques a present et ce que je feray encore pour exalter la gloire et haute reputation de Vostre Altesse Serenissime Electorale dans ces pays-la.

Presentement je me donneray l’honneur de marquer a Vostre Altesse Serenissime Electorale et en peu de mots, que lorsque je fus arrive en Moscovie, j’apris que Sa Majeste le Grand Czar n’estoit pas trop contente a Sa Majeste tres Auguste pour avoir fait la paix avee les Turcques au prejudice de l’aliance faite avec le Serenissime Czar pour faire la guerre aux Turcques trois ans; marque dequoy, Sa Majeste Czarienne n’avoit pas fait reponce a deux lettres, que Sa Majeste Imperiale luy avoit ecrite.

Mais quand Sa Majeste Czarienne a veu les lettres de Vostre Altesse Serenissime Electorale et de Sa Majeste Imperiale, et qu’elle a veu dans celles de Vostre Altesse Serenissime Electorale, comme Vostre Altesse Serenissime Electorale a eu la bonte d’offrir ses troupes, si Sa Majeste Czarienne vouloit bien accorder le passage: cela luy fit tant de plaisir, qu’au meme moment nous accorda nos demandes et ordonna de faire des preparations. Sa Majeste Czarienne dit aussi qu’elle remercioit Vostre Altesse Serenissime Electorale de l’offre, qu’elle faisoit de ses trouppes, attendu aussy, que c’est loing, que cela feroit trop de bruit au commencement, mais qu’elles pourroient servir a l’avenir. Je me donnai en meme temps l’honneur de presenter un memoire a Sa Majeste Czarienne, par lequel je representai, comme Vostre Altesse Serenissime Electorale et Sa Majeste tres Auguste ne demandoient que le bien et l’agrandissement de Sa Majeste Czarienne, qui si Dieu nous faisant la grace, que Sa Majeste Czarienne commence cette grande entreprise et se rende [262] maistre de l'Armenie et de la Georgie, comme il Iuy est tres facile, Sa Majeste tiendrait par ce moyen les Turcques investis par terre et par mer, et que, s’ils venoient a luy declarer la guerre, qu’alors les hautes aliances et les trouppes de Vostre Altesse Serenissime Electorale et de Sa Majeste tres Auguste seraient fort necessaires et d’un grand secours de ces costescy. Tout cela enfin luy fit grand plaisir.

Et ccmme j’ay veu, que Sa Majeste Czarienne avoit en veneration les tres hauts noms de Vostre Altesse Serenissime Electorale et de Sa Majeste Imeriale, je commencai a prendre le party de Sa Majeste tres Auguste, et pour cet effect, je fut trouver Monsieur le Grand Chancelier Theodor Alexiewitz Golovin, auquel je dis, comme j’avois apprit a Vienne, que Sa Majeste Imperiale avoit ecrit deux lettres a Sa Majeste Czarienne, aux quelles Elle n’avoit pas fait de reponce, de meme qu’on avoit arrete des lettres, qui venoient de Perse pour Sa Majeste Imperiale. Monsieur le Chancelier rapporta tout cecy a Sa Majeste Czarienne, qui ordonna de faire reponce a Sa Majeste Imperiale et de s’excuser sur ce qu’on avoit este en campagne, et d’envoyer les autres lettres et dans les memes temps on depecha Monsieur le Prince de Gallizzin pour l’envoyer a la cour de Sa Majeste Imperiale.

Et dans le temps que je vis, que l’Electeur de Baviere et les Hongrois commencoient a se rebeller, que les Turcques avoient detrone leur Empereur et que le bruit couroit, que c’estoit a dessein de declarer la guerre a Sa Majeste Imperiale, je commencai a soliciter Monsieur le Prince de Georgie de faire (ccnjoinctement avec Messieurs les Princes ses freres) une aliance avec Sa Majeste tres Auguste afin que, si les Turcques declaraient la guerre a Sa Majeste Imperiale, luy remontrant aussy que cela estoit fort a leur avantage, et comme Monsieur le Prince de Georgie connoit mes parents fort long temps et me fait meme la grace de m’aimer, remit le tout entre mes mains, me disant ce que je ferais, qu’il le tiendra bien fait, et qu’il desirait entrer en aliance avec Sa Majeste Imperiale pour tousiours, comme Vostre Altesse Serenissime Electorale et Sa Majeste Imperiale l’ont veu dans ses lettres, et que, si Sa Majeste tres Auguste luy fait l’honneur d’agreer son aliance, qu’il trouverait non seulement les Georgiens, mais aussy les Turcquomaniens, les Curdiens, les Abassiens et autres, qui feront la guerre aux Turcques en cas qu’ils la declarassent a Sa Majeste Imperiale.

Voyant aussy que l’envoye de France faisoit les grandes propositions a Sa Majeste Czarienne et que Sa Majeste luy faisoit beaucoup d’honneurs (comme je me suis desia donne l’honneur de le marquer a Vienne a Vostre Altesse Serenissime Electorale par un memoire), j’envoyai un memoire a Monsieur le grand Chancelier, par lequel je m’etonnais, comme Sa Majeste Czarienne pouvoit se fier aux Francais, luy remontrant, qu’ayant este en France douze ans, que je scay, de quoy les Francais sont capables, que lors qu’ils vouloient faire aliance avee quelque Prince, que c’estoit a mauvais desseins, et qu’ils ne manqueraient pas d’apporter quelques troubles dans les pays de Sa Majeste Czarienne, qu’on voyoit journellement, qu’ils ne gagnent pas une bataille n’y une place sans trahison etc. Aussi on ne l’a pas garde longtemps en Moscovie.

Touchant nos affaires, il est vray, qu’elles sont allees bien lentement, mais ce n’a este aucunement par ma faute, car je n’ay rien neglige pour faire voir a Sa Majeste le Grand Czar la grande facilite de l’entre [263] prise, dont tant par mes memoires, que par le temoignage de Monsieur le prince de Georgie et que parceque nos pays sont proches, estants de frontieres a la Russie, Sa Majeste Czarienne jugeant donc l’affaire si faisable, ordonna de travailler a trois cents cinquante vaisseaux de transport sur ce fleuve d’Astrachang propres a porter chacun environ quatre cens hommes avec leurs munitions, lesquels furent tous prests dans moins d’un an. Envoya aussy un homme dans nos pays, pour voir et examiner, comme le tout s’y passe. Sa Majeste Czarienne ordonna de plus de tenir prestes les trouppes sur les frontieres, et enfin, nous fit esperer, qu’en consideration de Vostre Altesse Serenissime Electorale, qui luy confioit une si grande negociation pour l’amour de la foy Chrestienne et pour le bien de cette pauvre Chrestiente, Sa Majeste Czarienne feroit de toutes manieres pour traiter la paix avec le Roy de Suede, pour d’autant plus aisement pouvoir entreprendre nos affaires. Mais comme le Roy de Suede estoit alie avec la Republique Polonoise et vouloit entrer en Pologne, n’en voulut pas entendre parler.

Moy voyant donc que l’homme (que Sa Majeste Czarienne avoit envoye en nos pays) estoit revenu avec les lettres de nos principaux pour Sa Majeste Czarienne, par les quelles ils marquoient, que les Persiens exercent tousiours de plus en plus des cruautes et persecutions sur eux et sur les peuples, pour les contraindre a se rendre de leur mauvaise loy, et voyant que la paix retardoit tant, et sans scavoir les inconveniens, qui pourraient encore arriver avec le temps, je demandai a Sa Majeste Czarienne, de quelle maniere on pouvoit donc aider ces pauvres peuples? Sa Majeste Czarienne me fit reponce, qu’elle trouvoit bon de m’envoyer avec des lettres au Roy de Perse en qualite d’envoye pour le soulagement de la Chrestiente.

Mais moy scachant et considerant, que Vostre Altesse Serenissime Electorale est l’autheur et le fondateur de tous les biens, que nous esperons d’une si grande affaire, 'je ne voulus rien faire que premierement par les hautes ordres de Vostre Altesse Serenissime Electorale. Cecy arriva aussy un peu apres que j’eus eu receu la lettre, que Vostre Altesse Serenissime Electorale me fit tant de graces et d’honneurs que de m’en? voyer par Nazar Arechovitz, par laquelle Vostre Serenite me fait la: grace de m’asseurer, que je ne dois aucunement apprehender, que Vostre Altesse Serenissime Electorale ecoute ny ajoute foy a ceux, qui ne npus voulant pas du bien voudraient donner quelques sinistres impressions de ma conduite etc. Mais Vostre Altesse Serenissime Electorale a encore bien plus de bontes en ecrivant de sa haute main propre sept ou, huit lignes, par les quelles Vostre Altesse Serenissime Electorale noias fait la grace de nous temoigner toute la bonne affection, et nous ordonne de prier Dieu, qu’il fasse Vostre Altesse Serenissime Electorale victorieux contre ses ennemis, que ce sera alors que Vostre Altesse Serenissime Electorale fera ses efforts pour nous assister et nous faire voir la bonne volonte Serenissime Electorale. J’ay montre cette chere et honorable lettre (que je conserve comme un tresor pretieux) a Monsieur le Prince ,de Georgie, lequel loua le grand Dieu et Vostre Altesse Serenissime Electorale pour tant de bontes et pria la divine Majeste de vouloir benir les armes de Vostre Altesse Electorale et de ses hauts ajies pour victoriser leurs ennemis. Je luy dis aussy, que s’estoit Vostre haute Altesse Electorale, qui est autheur de tous les biens, que nous esperons et que je ne voulois rien faire sans les hautes ordres de Vostre Altesse [264] Electorale, de quoy Monsieur le Prince me pria luy-meme, me promettant, que de son coste il m’aideroit de toutes ses forces.

C’est pourquoy je remontrai donc a Sa Majeste le grand Czar, qu’il seroit encore mieux de retourner vers Vostre Altesse Serenissime Electorale et vers Sa Majeste tres Auguste pour les supplier de m’accorder des lettres d’envoye pour le Roy de Perse, pour authoriser les lettres, que Sa Majeste Czarienne me vouloit bien donner afin que les affaires soient d’autant mieux fondees. Enfin Sa Majeste Czarienne trouva mes propositions bonnes, et meme me dit, que j’en pourrais prendre de tant de Roys et Princes Chrestiens, que je pourois etc.

Il est vray, que pendant sept ans entiers (1698-1704) je travaille et Voyage incessament, pendant lesquels j’ay souffert tous les meaux imaginables, j’ay vendus tout ce que j’avois, j’ay laisse mes pauvres enfans avec rien et fait des dettes, pour enfin poursuivre cette grande negociation! Mais presentement je remercy et loue le grand Dieu de ce que par les graces et bontes infinies de Vostre haute Altesse Electorale, j’auray le moyen de me remettre, parceque je pourray retourner au pays publiquement, ou je pourray recevoir les revenus de mes petits biens depuis 26 ans (1679-1704), et comme j’espere (moyennant la grace du bon Dieu) et par les ordres du Roy de Perse, faire une assemblee entre les gens du pays pour regler les differents dans ce tempsla, j’auray lieu de faire contribuer les principaux a me donner de quoy continuer mes travaux et eux voyants que les affaires sont si avancees, ne manqueront pas de me donner bonne assistance.

Mais j’ay beaucoup d’ennemis icy, qui me veulent du mal sans suject, comme je me donneray l’honneur de le remontrer a Vostre Altesse Serenissime Electorale par d’autres ecrits, lesquels je ne craindray pas, s’il plaist a Vostre haute Altesse Electorale me continuer les memes graces et bontes, dont Vostre Serenite m’a favorise des les commencement. Je prie donc tres humblement et avec toute la soumission Vostre haute Altesse Electorale de me faire la grace de me proteger encore, afin que je puisse finir ma vie en la sacrifiant d’un bon coeur pour le service de Vostre haute Altesse Electorale, en qualite de, De Vostre haute Altesse Serenissime Electorale

Tres Serenissime Electeur
tres humble tres
obeissant,
tres oblige et tres
fidel serviteur et suject
(Copie) Israel Ory.

Ã. Ä. Ýçîâ, óêàç. ñî÷., äîê. ¹ 120. Êîïèÿ.