86. Ïèñüìî ê. ñ. Ìàçàðîâè÷à ê ãåí. Åðìîëîâó, îò 10-ãî íîÿáðÿ 1820 ãîäà, ¹ 196.— Òàâðèç.

Les premiers jours de ma station a Teheran j'ai employe mon temps aux compliments d'usage et a la presentation des cadeaux. Au jour fixe le roi vint en personne dans une tente placee a la grande entree de l'Arc, ou nous avions etale tous les objets. Il etait a pied, suivi des grands de la Cour en habits de ceremonie. Deux heures et plus on resta dans un enchantement reel devant la succession des raretes qui s'offraient a leurs yeux. Sa Majeste surtout ne faisait que regarder le bassm et a chaque instant Elle appelait quelqu'un de ses favoris pour en faire admirer les beautes. Ni l'eau de rose, ni les liqueurs rafraichissantes ne furent trouvees dignes de couler dans ce reservoir magnifique; on convint a la fin qu'en certains jours solennels il faudra le remplir de vin et en gouter sans scrupule les rejaillissements. Mais si tel a ete l'effet des cadeaux en general, quel n'a du etre le chagrin interieur du souveram a la vue des deux miroirs enormes qui avaient ete malheureusement brises. L'insubordination jointe a la maladresse de ceux qui les transporterent par les montagnes du Ghuilan, l'humidite de cette province, la secheresse de l'air dans l'Iran et une erreur d'emballage furent la cause de ce desastre. Personne n'avait ose en rendre compte a Sa Majeste, de maniere que j'ai ete le [869] premier a la prevenir Dieu merci qu'il n'y ait pas eu de tetes coupees, ni d'amende payee. Cependant je suis charge de dire a V. Ex. que le bon Roi s'attend a recevoir deux autres glaces de la meme grandeur que les premieres, et c'est par votre entremise qu'il espere obtenir un tel remede a sa douleur. Mamed-khan-zembou-rektchi-bachi, charge du transport de nos cadeaux, ayant vu dans quel etat les miroirs avaient ete mis, en concut tant do frayeur que malgre tous mes efforts pour le rassurei, il en mourut sk jours apres. Deja l'on comptait sequester tous ses biens et les scelles etaient mis a plusieurs appartements de sa maison, lorsque sur mes sollicitations le roi ordonna de ne rien toucher et de laisser tout aux heritiers. Sa Majeste refusa meme 3 m. tomans (20 m. roubles en argent) qu'on lui offrait pour la charge de Zembourektchi-bachi, et daigna la conferer au fils du khan defunt, en lui disant : ,,Allez remercier le charge d'affaires de Russie pour les graces que le Schah-in-Schah repand dans votre famille, et occupez la place de votre pere; je vous l'accorde gratis". Je releve ce fait comme un temoignage public des egards dont je jouis a la Cour, et la lecture de la depeche ci-jointe pour Mr. le comte Nesselrode montreia a V. Ex. le degre de bienveillance que le Schah a eu pour moi.

Mirza-Abdoul-Vehab qui se rappelle sans cesse nos conferences de Saman-arkhi et de Sultanie, ne manqua point de me faire sentir que je devais a son amitie la faveur de son maitre, ce qui prouve du moins que ce ministre a interet a nous plaire. En effet il nous recut toujours avec effusion de c?ur et affecta en toutes occasions de me montrer beaucoup de franchise. Dans deux notes que nous echangeames au sujet de quelques prisonniers dont je reclamais la liberte, il me dit ouvertement quelle etait sa facon de penser la-dessus, et la mit meme par ecrit sans la moindre repugnance; j'ai l'honneur de transmettre cette piece ci-joint a V. Ex. Quoique le jugement qu'on trouve dans ce document soit defavorable a ma cause et commun aux deux Cours d'ici, l'on ne s'opposa point, grace a Abdoul-Vehab, au retour en Georgie de plusieurs femmes et d'un jeune esclave circoncis, fils d'un de nos pretres de Tiflis qui depuis quelque temps servait de Ganymede chez un des seigneurs de la capitale, circonstances qui mettaient bien des entraves a l'accomplissement de ma demande. La bonne conduite du mou'-ettemid-dewlet m'epargna des disputes. Il ne les aime pas a la verite, mais on est force de garder avec lui certains dehors auxquels en sa qualite de Seid-derviche il tient particulierement. Nos affaires sont confiees exclusivement a ce personnage et son credit tant aupres du Roi que du Naib-Sultan peut beaucoup. Le Sadr-azam parait eloigne tout a fait de nous. Suspect au Prince hereditaire, a cause de ses liaisons avec les differents partis du royaume, Son Altesse a reussi de le faire exclure pour le moment des relations qui ne manqueraient pas d'augmenter son pouvoir. Allah-Yar-khan, les eunuques et quelques autres personnages de la Cour n'aiment a se meler que d'intrigues et je ne les ai frequentes que pour juger a leur mine du plus ou moins de poids que je devais don-nei aux demonstrations amicales du Schah. Le peu de temps que j'ai vecu a Teheran ne m'a pas permis de me plaindre de toutes les irregularites commises par le Gouvernement; je n'aurais pu obtenir que des promesses et en attendant j'aurais passe aux yeux d'Abbas-mirza et de ses partisans pour un homme difficile et querelleur Aussi ai-je prefere de me tause, ayant la certitude qu'on saura me tenir compte d'une discretion d'autant plus meritoire qu'on ne s'y attendait pas. D'ailleurs il parait qu'on est revenu des vieilles erreurs et que la bienveillance de notre Auguste Maitre est interpretee d'une maniere digne de la magnanimite de Son c?ur. On cherche actuellement a nous obliger, et si jusqu'a present bien des choses dans la conduite des Persans sont de nature a choquer le bon sens, la bienseance ou l'honneur, c'est qu'ils ne suivent d'autres principes que ceux des interets particuliers. Les interets de l'etat se trouvent subordonnes a divers arrangements que la cupidite seule, cette source feconde de tous les crimes, force de prendre, et je ne sais comment l'on pourra se pieserver des consequences inevitables d'un pareil defaut, commun a toute la nation. Cependant nous sommes a la veille, je crois, de voir accomplis les desirs du Ministre Imperial V. Ex., par ses operations dans le Daghestan et par le nouvel ordre de choses etabli au Chirvan, a mis nos voisins dans l'impos sibilite de renouveler les tentatives suggerees par une foule d'individus rebelles a la Russie qui, en se rendant necessaires par ce moyen a la Perse, avaient essaye, quoique inutilement, d'ameliorer leur triste sort. Le Schah s'apercoit d'une maniere tres sensible de la perte de son argent, jete, dit-il, avec trop de legerete pour un objet tout-a-fait different de celui pour lequel on le lui demandait, et m'a prie de faire entendre combien l'on etait loin de songer a des bagatelles de ce genre. Le Naib-Sultan se mord les pouces en voyent tarir ainsi la source des revenus qu'il retirait de la caisse particuliere de Sa Majeste, et pour avoir concouru malgre lui a nous faire prendre des mesures [870] qui ne manqueront pas de le convaincre combien il est difficile de cacher la verite; confus de sa faute, il parait etre bien decide a vouloir la reparer Aboul-Hassan-khan m'a montre les memes dispositions favorables a l'entretien de la paix qu'il nous avait temoignees a Tifhs. Son Altesse a entendu de la propre bouche de cet ex-ministre qu'elle risque de perdre les avantages que lui accorde l'article IV du traite du Gulistan, toutes les fois qu'elle ne veillera pas assez a en faire respecter l'ensemble des clauses. Je n'ai point de nouvelles precises relativement aux effets qu'a du produire la lettre de V. Ex., adressee au Roi. Aboul-Hassan-khan dissimula au Prince de l'avoir recue a Tiflis et la remit a Sa Majeste comme si moi je la lui avais donnee en route. On attend ici de jour en jour Mamed-Riza-khan, neveu du Kaimakam et agent de Son Altesse a la capitale. Il a des ordres verbaux a lui communiquer de la part du Roi. Quoique cette forme soit bien mysterieuse, je suppose que ces ordres sont relatifs a vos plaintes, car pour tout autre motif quelconque on lui aurait ecrit ou expedie un autre envoye. Il m'est impossible de presumer quelque chose de plus precis avant d'avous vu les demarches ou entendu les ouvertures auxquelles l'arrivee de ce khan donnera lieu entre nous. En tout cas j'en attends de bonnes pour le but de ma mission. Il est vrai que j'ignore si Aboul-Hassan-khan a apporte des secrets de Londres, mais d'apres toutes les apparences on n'en aura point confie a un personnage qui menaca lord Castelreagh de prier les Russes de marcher contre les Afghans. D'adleurs il y a toujours tant de cabales et d'intrigues contre quiconque donne des avis au Schah ou s'en fait le porteur, que cela seul suffirait pour en retarder du moms l'execution; c'est pourquoi je ne mets plus le meme empressement a connaitre ce qui se passe a une Cour ou ces demarches ne pourront jamais nuire a la franchise et loYaute de notre conduite.

Le Naib-Sultan, apres avoir fait une tournee a Maragua et aux alentours ou il a visite les troupes, est de retour ici et compte bientot partir pour Mischkhine et Khoi. Il m'a beaucoup parle dernierement des desordres qui regnent aux frontieres du cote de Talysch et partout ou se retirent les Chahsewenes.,,S'ils sont pris, dit-il, sous la protection de l'Empereur, pourquoi faut-il qu'ils vivent en brigands et depouillent impunement nos caravanes? S'ils ne le sont point, qu'on les chasse du moins d'un endroit ou je ne puis faire marcher de la cavallerie pour les punir qu'au risque d'etre accuse de violation de territoire. Pour un miserable valy qui a ete place a Daralaguez, Mr. de Yermoloff ne cesse de crier au scandale, et en attendant il faut que moi je respecte sur la lisiere de nos limites une horde qui ne respire cependant que la licence. Si les affaires se pratiquaient avec vous autres comme avec les Turcs, a la bonne heure; en nous envoyant simplement quelqu'un de partet d'autr enous finirions bien vite par nous entendre; mais les Russes ont des principes et quoique ceux-ci soient souvent contraires a nos habitudes, vous voudriez absolument que nous nous y soumissions. Ecrivez je vous prie a S. Ex. Mr. le General en chef, afin qu'il y soit mis ordre, en sorte que nous n'ayons plus a nous plaindre et a nous quereller ensemble".

Nous avons depuis plusieurs jours dans cette ville Hadji-Yousouf-aga, envoye d'Erzeroum avec une lettre du Vizir de Constantinople a l'adresse du Prince. On lui a fait ici un accueil gracieux, on lui dira beaucoup de belles paroles, on donnera des lettre de reponse dans lesquelles on chargera l'envoye Turc de repondre de la part des Persans, ce qui est l'habitude, et a la fin apres lui avoir donne deux chales et une cinquantaine de to-mans, on le congediera, dans l'assurauce que cela suffit pour mettre fin aux clameurs des voisins chez lesquels l'avarice des chef l'emporte sur l'honneur et l'interet des pays confies a leurs soins. Je ne sais pas comment expliquer autrement a V. Ex. le peu de suite qu'ont les actions violentes qui se passent sur le territoire de ces deux puissances enflees d'orgueil, portees a la vengeance et que le fanatisme religieux ne conciliera jamais, quelles que soient leurs transactions en vigueur

L'on vient de me donner avis que quelques-uns de nos Georgiens ont ecrit tout recemment des lettres au Tzarewitch. Un certain Houssein-Hadji-beg-oglou en a ete le porteur. Ce Houssein demeure a Demourtchassally ou Bortchalo. De plus j'ai releve que quatre de nos cosaques en station a Bachkitchet ont ete assassines par des gens dont le conducteur fut Baban-ogly-Djehil, habitant de Salagly dans le district de Kasach, retire a Akhaltzikh. Apres un tel fait ce scelerat vint chez le Tzarewitch et lui apporta tous les paquets trouves sur les malheureux cosaques, dans l'esperance qu'ils pouvaient lui etre degran de utilite et de meriter lui-meme par la quelque recompense. Il faut croire que les paquets ne contenaient rien d'important, car le transfuge Georgien ne les a pas envoyes ici, comme il en a eu l'mtention d'abord.

Au commencement de ce mois Ali-Asker de Khoy, medecin de Scheih-Ali-khan, arriva dans cette ville, rendez-vous general des forcenes, avec des commissions de son maitre. Cependant la lamdle de cet esculape est restee dans le Chirvan sous la protection d'un souverain qu'on se fait gloire la-bas de trahir et d'abuser [871] sans cesse de sa magnanimite Haschim, negociant de Schela, recut de Scheih-Ali-khan une ceinture de femme (kemer) en or et pierreries avec l'ordre dela remettre ici a son affide Imam-Kouli-beg qui lui payera deux mille monetes (roubles), des qu'il les aura touchees du Naib-Sultan. Cette somme est due a Haschim pour des marchandises vendues au Don-Quichotte du Daghestan. Je vous rapporte des faits pareds seulement pour vous faire connaitre les noms des personnes qui, etant en relations suivies avec les ennemis de l'Etat, doivent leur etre devouees, ou peuvent en cas de besom etre persuadees de donner une direction (?) plus louable a leurs sentiments (?). De ce nombre sont Moustapha, Abdoullah, Aga-Baba, tous negociants de Scheki et compagnons d'exploits d'un certain Alidjan qui a ete ou qui se trouve encore dans les prisons de Tiflis.

Ces bons sujets ont des negociants persans qui font cause commune avec eux, entre autres Mesched-Veli-khan, Kaib-Scheluli ( ?), tous deux d'Ordoubad, Seid-Mirza-Baba et Mouthalib. La difficulte de bien surveiller les gens qui franchissent nos frontieres entretient aisement ces correspondances criminelles. Le passage s'effectue presque toujours a Djevad et l’on m'assure qu'Ibrahim, entrepreneur de la peche qui se fait le long des rives du Kour, est celui qui en facilite les moyens. Il est l'ame d’Ismail-bek, frere de Moustupha-khan. La semaine passee Mr. le Kaimakam recut des lettres de ce vieux reveur, laquelle accompagnait plusieurs autres recues de Chirvan par l'entremise de son heau-ficre Kassim-beck, d'Allakargan dans le Karabagh. Scheih-Ali-khan envoya carte blanche et son cachet au Naib-Sultan qui en profita pour faire ecrire au Schah-in-Schah de la part du khan tout ce qu'a Tauris l'on a cru a propos. Le fils de ce possede revint a Ardebil. Sa Majeste, avant de le congedier, lui fit cadeau de 2 m. tomans, d'un khandjar de la valeur de 2 m., d'un halat complet en chale, de cinq chevaux et de huits chales a 10 tomans la piece pour les gens de sa suite, excepte Imam-Kouli-beck qui recut un halat et 100 tomans.

A la revue de l'artillerie que le Prince fit dans son voyage a Maragua, il en fut si mecontent qu'il changea Rahmet-Ullah-khan, chef de ce corps, quoique celui-ci fut fort appuye par le Vizir et compagnie. Sa place a ete donnee a Mamed-Baghir-khan, adjutant-general de l'armee de Son Altesse. Cet evenement est du, a ce qu'on m'assure, aux insinuations des Anglais qui en voulaient a Mamed-Ullah-khan a cause du peu d'egards et de reconnaissance qu'il eut pour Mr. Linsay auquel il devait son elevation.

La femme du fils cadet du Kaimakam s'est plainte au Roi son pere des mauvais traitements qu'elle subissait dans cette famille. Sa Majeste l'appela a Teheran d'ou elle ne veut plus sortir, quoiqu'on ait l'intention de lui donner une femme du serad pour l'accompagner ici et mettre a la raison. Madame la Kaimakam, personne tres imperieuse et tres redoutee de toute la maison. Son epoux a ete force d'envoyer de riches presents au Schah, afin de flechir son c?ur et le disposer a des mesures moins decisives, car si la belle-fille venait avec une duegne pour surveiller la belle-mere, il est indubitable que Mirza-Bezurg risquerait de perdre la paix qu'il aime avoir dans son harem Sa femme ne manquerait pas de le tourmenter a tout moment et se tourmenterait elle-meme de maniere que l'affection hysterique a laquelle Madame est tres sujette ne trouverait plus son palliatif Elle aime a regner seule, et quoi qu'ait fait le Schah pour forcer le Kaimakam a prendre une seconde femme, elle a su tellement l'intimider par ses maux de nerfs, qu'd prefera resister a la volonte de son souveram plutot que de deplaire a sa femme.

Je puis assurer V. Ex. qu'un bon chirurgien de notre nation pourrait rendre bien des services dans ce pays, et le moment serait tres favorable, car ceux qui sont ici se disposent a partir dans une ou deux annees au plus tard; les Anglais, il est vrai, tacheront tout de suite a les remplacer, mais je ne vois pas pourquoi un des notres, s'il s'en presentait, ne pourrait pas l'emporter sur ceux d'une autre nation. Une ou deux cures heureuses le mettraient en vogue au pomt qu'on ne le supplanterait plus.

J'ai avis qu'Ahmed-khan, Naib d'Allah-Yar-khan, est parti de Teheran avec des lettres de Sa Majeste en reponse a vos plaintes; cela me confirme dans l'idee que la commission de Mamed-Riza-khan doit y etre relative. Nous verrons bientot le denouement de cette piece persane

Je viens d'apprendre l'issue de la mission Osmanlie a Tauris. Le Prince se dit compromis par le degat qu'a son insu le Serdar s'est permis de commettre sur le territoire turc; il portera ces faits a la connaissance du Schah qu'il engagera a payer 250,000 tomans de dedommagement a la Puissance dont le territoire a subi une violation, et une reprimande severe devra etre faite au Serdar et a son frere. Mamed-Riza-khan est arrive. L'objet de sa mission est cache aux yeux des profanes. Les devins disent que c'est pour ordonner au Kaimakam de prendre une seconde epouse ou de payer 12 m. tomans. D'autres assurent que c'est pour regler des comptes. Quant a moi, je mamtiens [872] ma premiere opinion et considere tout le reste comme possible mais comme accessoire.

Le khan m'a fait une visite par ordre du Schah, et il va partir incessamment. Sa Majeste a accorde au Naib-Sultan la moitie de la somme que lui a accordee l'Angleterre, ce qui me porte a croire que cette puissance a presente un compte d'apothicaire et qu'elle ne payera pas beaucoup en argent comptant. Comme la plupart des depenses anglaises ont ete faites a l'avantage du Prince, je suppose que le Schah lui aura fait grace du remboursement; je ne saurais expliquer autrement sa generosite.