579. Донесение с. с. Мазаровича ген. Ермолову, от 29-го июля 1825 года. — Султаниэ.

J'ai eu l'honneur de presenter vos lettres au Schah et au Prince-hereditaire avec cette confiance que m'avalent inspiree la justesse et la moderation des termes dont V. Ex. s'est servie en leur ecrivant et dont je n'ai pas manque de faire usage dans mes negociations avec leurs ministres.

Sa Majeste a laisse faire a son fils bien-aime et semble vouloir par la faire entendre a la nation que l'amitie des Russes lui est a charge. L'on m'a assure que les pretres ont fait de Goktscha un cas de conscience pour Feth-Ali-Schah, en criant partout que Sa Majeste est le premier roi de Perse qui ait fait des concessions territoriales aux infideles et qu'il faudrait, pour son honneur et pour le repos de sa conscience, qu'il recouvrat le Karabagh et la Georgie plutot que de perdre le temps en deliberations.

Les esprits sont montes; Ton se prepare a la guerre par toutes sortes d'exercices militaires, et mes oreilles souffrent beaucoup des decharges qui ont lieu tous les apres-diners depuis mon arrivee ici jusqu'a ce jour. Mes tentes sont dressees a trois ou quatre cents pas en arriere du terrain ou se forment les immortels du nouveau Darius qui songe tout de bon a les opposer aux phalanges de l'Empereur Alexandre. J'ai scrupuleusement suivi, Mr. le General, tous vos ordres; je les ai meme depasses, au sujet de Talisch, en faisant pour l'amour de la paix des concessions que vous ne m'avez pas encore autorise a faire. Je me reserve de vous en donner le detail a mon arrivee a Tiflis. En attendant je m'empresse de dire a V. Ex. que l'on a resolu de depecher un envoye du Schah a St. Petersbourg avec des plaintes ameres'contre l'injustice du Lieutenant de Sa Majeste Imperiale, dans la conviction qu'Elle daignera satisfaire tous les desirs de la cour de Teheran.

L'envoye doit obtenir pour frontiere Gamzatschemen, Goktscha, Kapan, Mougan et Talisch, non d'apres les modifications qui vous ont ete proposees par le Naib-Sultan, mais d'apres l'interpretation que l'on donne ici aux termes du traite de Gulistan. J'ai fait, Mr. le General, tout ce qui est humainement possible pour persuader a ce ministere combien il vaudrait mieux ne pas pousser les choses si loin; j'ai dit confidentiellement ou insinue franchement toutes vos prescriptions; mais j'ai epuise mes forces sans le moindre profit pour le succes de notre cause. Le Schah est enivre des vapeurs de sa toute-puissance et obeit aux passions du Prince-hereditaire et de ses flatteurs. “Sire' disent-ils, donnez de l'argent et nous prouverons a l'univers qu'il n'y a pas sur la terre de Roi plus grand et plus puissant que Votre Mnjeste. Qu'elle daigne jeter un regard sur ses troupes; ont-elles jamais ete plus nombreuses et mieux exercees qu'a present? Elles n'attendent qu'un [321] signe du Schah-in-Schah. Elles ebranleront la terre!" Ce discours, Mr. le General, a ete repete hier a haute voix en presence de Mr. Beglaroff, votre interprete et des grands de la cour par le Naib-Sultan lui-meme. Son Altesse a tenu d'autres propos encore qui ne se laissent pas ecrire; son Altesse ne cache plus sa haine contre nous et ne respire que vengeance; son Altesse enfin nous meprise et c'est ce que l'on ne pardonne jamais.

Elle a eu un moment l'idee, en me congediant, de me faire siffler par tout le camp de Sa Majeste. J'ai l'ame dechiree, mais je souffre en silence et dans l'attitude d'un penitent.

Le Serdar d'Erivan a recu l'ordre d'occuper nos postes, des que nos soldats auront quitte l'Eschek-meidan et Ghuile, pour nous forcer a faire feu les premiers quand ils y reviendront. Quiconque oserait se presenter en deca du Kapan, sera chasse par la force et je crois generalement parlant qu'il en sera de meme sur tous les points que les Persans regardent comme le status quo du traite.

Quant a l'incident survenu entre Mr. le lieutenant-colonel Engolm et Kassim-khan, le Naib-Sultan a desapprouve par la note ci-jointe la conduite de ses affides, mais l'on accuse Mr. Engolm d'etre venu en deca du Caravanserail qu'on regarde comme situe a six agatches de nos frontieres.

Ce 31 juillet au soir.

Mes courriers n'ont pu se mettre en route plus tot, faute de chevaux.

Je sors de chez le Prmce-hereditairo. Je n'ai pu gagner de lui que du temps.

Le Schah repondra a votre lettre d'apres sa fantaisie et des que V. Ex. ne se rangera point de son cote, Sa Majeste desire soumettre l'affaire, coute que coute, a la decision de l'Empereur. Voila tout ce que j'ai reussi a obtenir ici, et voila comment est finie ma mission.

Il faut, Mr. le General, que vous me donniez rendez-vous. J'espere de quitter le camp dans six jours et il m'en faudra 22 jusqu'a Tiflis.