290. Тоже, от 30-го января 1817 года. — Тавриз.

Une forte fievre survenue a Schenur m'a retenu ioi jusqu'a demain. Cette cause me donne l'occasion d'ecrire a V. Ex. la presente. Puisse-t-elle vous etre de quelque utilite et vous epargner dans la marche de vos affaires ces desagrements qui naissent des pretentions ridicules qui sont particulieres aux magnats de cette terre classique' Vous ne pouvez pas vous imaginer, mon General, de quelle maniere les premiers employes d'ici tachent en toute chose d'humilier notre nation, et il leur est surtout penible de descendre ou de s'ecarter un peu de leur fierte naturelle dans la reception des Russes, quoiqu'ils avouent eux-memes qu'Aboul-Hassan-khan a ete recu a Petersbourg avec eclat et magnificence, et qu'ils sentent le besoin et la necessite d'en faire autant a l'arrivee de V. Ex. Quant a moi, j'ai tache qu'aucun mot ne sortit de ma bouche qui ne fut une lecon ou un avertissement amical pour ces messieurs, et vis-a-vis du Kaimakam surtout j'ai ete force malgre moi de deployer un caractere dont il n'a pas eu jusqu'a present d'exemple. Ce Kaimakam fait profession d'etre derviche et pretend que par egard a cette qualite tout homme doit se plier a ses volontes, quelque bizarres qu'elles soient. De mon cote je lui ai repondu avec un ton haut et ferme que je savais ce que l'homme doit a l'homme de bien, mais qu'en ma qualite d'employe Russe je ne devais et ne voulais savoir que ce qu'il me devait comme a l'homme d'affaire et envoye de mon chef, couvert d'un uniforme qui ne souffre d'affronts de la part de qui que ce soit. Cette escapade, mon General, etait necessaire pour facditer vos operations dans le pays, ou les plus sages m'assurent que vous risquez beaucoup d'etre mecontent du Serdar d'Erivan et du Kaimakam d'ici. Permettez-moi donc a ce sujet de vous eclairer sur la conduite que vous devez observer dans votre entree tant a Erivan qu'ici. Il ne faut jamais perdre de vue que vous aurez affaire a des petites tetes, ambitieuses au dela de toute croyance. Ces messieurs regardent le ceremonial qu'on doit vous faire comme un moyen de fortifier leur credit aux yeux de la nation plutot qu'un retour amical de l'accueil que leur ambassadeur a recu chez nous. Dans ce cas, s'il vous est possible de dejouer les premieres atteintes qu'on tachera do porter a votre mission, je suis presque sur que vous triompherez avec facilite de tout le reste. Par consequent V. Ex. doit absolument exiger que le Serdar d'Erivan vienne a votre rencontre jusqu'a la porte de la ville, ou qu'il vienne au moins vous faire visite le premier. Tenez ferme pour l'observation de cette etiquette, car le bruit qui vous precedera ici applanira les difficultes et disposera l'ame de ces messieurs a se plier a vos volontes. N'entrez pas a Tauris et menacez librement de vous detourner du chemin si vous n'avez pas la visite du Kaimakam, et avec lui celle de tous les autres employes qu'ils trouveront a propos de vous presenter. Entre dans la ville, n'allez pas visiter le Prince sans que vous ne soyez assure prealablement que vous pourrez entrer avec toute votre suite chez lui et vous asseoir aupres de lui ainsi que vos conseillers (pour le moms). Tachez meme que le Prince fasse semblant de se lever a votre approche, s'il refuse de se lever pour de bon. C'est a ce propos que je dois avertir V. Ex. que le charge d'affaire d'Angleterre, ainsi que les officiers anglais, s'asseoient souvent et entrent toujours dans la chambre du Prince, tandis qu'il m'a recu dans une cour en plem air, ou ils sont intentionnes de tenir toute l'ambassade tant que l'ambassadeur restera dans la chambre du fils du Roi des Rois. Soyez inebranlable, mon General, dans vos resolutions, et pour toute reponse aux demonstrations contraires qu'on pourrait vous faire, dites que vous etes si exigeant a cause de la politique suivie dans le pays ou l'on preche l'alarme, et des bruits de guerre repandus partout, ainsi qu'a cause de la juste attente ou vous etes de recevoir du Prince les bontes temoignees aux etrangers qui sont dans sa residence, et du devoir qui vous incombe de faire honorer votre Souveram qui, n'ayant pu venir en personne visiter le pays, vous a envoye comme son representant aupres d'un Roi qui merite l'amitie et le respect de tout le monde. Faites sonner bien haut que la Perse n'a jamais eu une ambassade aussi solennelle que la notre, [146] et que par consequent elle doit etre recue, fetee et traitee mieux que toutes les autres. Soyez toujours pret a les menacer de rebrousser chemin et de les rendre responsables aupres du Schah, si votre mission n'avait pas lieu a cause de leurs procedes incompatibles avec le caractere dont vous etes investi. Soyez bien persuade, mon General, que par ce langage mele toujours de douceur et de fierte, vous parviendrez a obtenir tout ce que vous voudrez, et je me laisse couper la tete le jour ou vous trouverez mes avis en desaccord avec les circonstances. En tout cas voici jointe la traduction du ceremonial qu'on a projete d'apres les insinuations indirectes que j'ai reussi a faire a ceux qui ont ete employes de la part du gouvernement pour sonder mon opinion la-dessus. Vous etes a meme par la de deduire sans faute la conduite ou la methode a suivre dans votre entree dans ce pays. Elle est tres-exacte, car je l'ai fait traduire de l'original que j'ai pu avoir entre mes mains. Apres tout cela j'espere que V. Ex. n'aura pas de peine a sortir heureusement et avec honneur de cette galere; j'ai l'honneur de la prevenir que cette copie du projet de reception est precisement ce que les raisonnables de ce pays trouvent le plus a propos de vous demontrer. C'est a vous a present, mon General, de modifier la chose a votre facon, et j'espere obtenir votre indulgence sur tout ce que j'ai ose vous ecrire d'une maniere aussi peu reservee pour un subalterne Je suis rassure la-dessus a cause de la bonte que vous avez pour moi, et de la certitude que vous devez avoir de mon zele pour le service et de mon devouement pour votre personne. Les Francais ont ete definitivement recus au Schah-zade, et n'ayant pu les voir, je n'ai pas non plus pu decouvrir s'ils le sont d'apres la volonte des Anglais, ou grace a leur talent. Sondez bien ici le gouverneur de la ville Feth-Ali-khan II vous parlera des affaires d'ici avec franchise; mais ne lui confiez que ce que vous voulez faire parvenir aux oreilles du gouvernement. C'est un homme qui a de moi la meilleure opinion du monde, et c'est pour avoir ete effraye qu'il a su effrayer les autres sur mon compte. On vous estime et on vous craint ici. C'est a V. Ex. de faire a son passage le reste. Quant aux Anglais, ils guettent tout, et je crois qu'ils sont consultes en tout. Avec moi ils se conduisent tres-amicalement Mr. Willock m'a envoye tous les jours du pain et du vin, et aucun d'eux ne manque a ce que la civilite demande. Excepte Mr. Campbell, ce sont des hommes ordinaires, et Mr. Campbell meme est un homme qu'on peut mettre en sac. Us n'ont en un mot sur vous que l'avantage de la langue. Voici leurs noms Willock, Campbell et Chamet, medecins; Linz, Willock,

Mantel et deux autres pour l'instruction des troupes d'ici. Les Francais sont a part, et les Anglais me disent qu'ils sont de fiers Napoleoniens. Demain je pars et j'espere bientot avoir l'honneur de presenter mes hommages a V. Ex.

P. S. A la place de la traduction j'envoie a V Ex. l'original du papier en question. On a voulu me tromper, et je me venge en expediant le sujet de leur amorce. Quant a moi, je crois qu'il faudra precisement demander tout ce qui est ecrit dans le ci-joint, mais il ne faudra pas faire savoir que je vous l'ai envoye.