289. Тоже, от 27-го января 1817 года. — Тавриз.

C'est le quatrieme jour de mon arrive ici, et ce n'est que depuis une heure que j'ai pu etre admis a la presence du fils du Roi des Rois. Ces grands sont insupportables, et j'ai eu bien de la peine a reprimer les effets desagreables qui naissent dans l'ame de l'homme civilise et surtout d'un employe europeen. Mille fois j'etais sur le point d'eclater, mais comme je n'avais a c?ur que de vous servir, j'ai mieux aime paraitre indulgent que trop exigeant a leurs yeux. Le personnage le mieux eleve d'ici est Feth-Ali-khan, gouverneur de la ville, des procedes duquel je n'ai qu'a me louer. C'est un homme de bon sens, fin beaucoup plus qu'il n'en a l'air, et convamcu de la neccessite d'avoir la paix et une paix tres-solide avec nous. C'est de lui que je tiens l'assurance, en ce qui regarde l'intention du Roi, que les Persans n'ont aucunement l'envie de confier au hasard des armes leur bonheur actuel, et que tout ce dont ils font parade, est une demonstration plutot que le desir reel de faire la guerre. V. Ex. doit cependant etre averti qu'au milieu de toutes ces protestations ils prechent la guerre meme dans les temples ou regne le Dieu de paix, et je crois qu'ils seraient prets a fondre sur nous, s'ils avaient la certitude que vos demandes pourraient blesser leur orgueil et leur ambition. Il y a des ordres de vous recevoir, mon General, aussi bien que possible, mais je m'apercois qu'ils etudient les moyens de ne pas sortir de leur etat naturel, en ne sacrifiant que des bagatelles et des choses de peu de consequence au point de vue de la morgue nationale dont est petrie l'ame de tout employe. Le Kaimakam Mirza-Bezurg est un homme d'un orgueil insupportable sans qu'il ait en lui de quoi le justifier. C'est selon moi une grande tete pour les petits affaires. Son fils (le visir du Prince), est un esprit tres-petit et, a ce que je crois, tres-minutieux. Le Prince lui meme, quoique d'une figure spirituelle et charmante, n'est pas grand'-chose. Il m'a fait l'honneur de temoigner la plus grande satisfaction a toutes les reponses que j'ai faites a ses questions. Elles ont ete bien simples, mais pleines de bienveillance pour V. Ex., et il m'a congedie apres une demi-heure de conversation en me regalant de deux cedres que j'ai recu de ses propres mains, honneur qu'il n'accorde pas facilement a qui que ce soit M. Ricard a recu la meme marque de distinction. Prenez bien garde, mon General, a votre passage par Erivan et par cette ville, qu'on ne vous joue adroitement en ce qui regarde le pas que vous devez avoir sur le Serdar et le Kaimakam. Les Persans memes tremblent a l'idee de la possibilite que vous ne trouviez l'arrogance de ces deux personnages insoutenable. De mon cote je vous ai peint comme un homme facile et bon avec les braves gens, mais terrible des que vous vous apercevez qu'on veut se jouer de vous de quelque maniere que ce soit. On croit toujours que vous ne viendrez pas avant d'avoir de mes lettres, aussi ils ne font que me demander si je devrai en expedier tout de suite apres mon arrivee a Teheran, ou plus tard. Quant aux Anglais, je les vois tous les jours ou chez moi ou chez eux. Ils sont ici ce que les capitaines grecs etaient chez les Satrapes dans l'Asie-mineure au temps de Pausanias. Ils me comblent d'honnetetes et expedient en attendant un courrier a Constantinople en reponse a celui qu'ils ont recu ces jours-ci de leur ministre. Le Suedois Hei-destan part de nouveau pour Byzance et de la pour la Suede. Les deux Francais, de l'arrivee desquels je vous ai donne la nouvelle d'Erivan, ne seront pas accueillis au service a cause des menees des Anglais. Ne serait-il pas bien que V Ex. invitat messieurs les Francais a passer chez elle, lorsque elle aura la certitude, a son passage par ici, qu'ils sont rejetes? Peut-etre qu'ils pourraient vous servir a quelque chose dans ces contrees; toutefois je crains qu'ils ne soient des agents secrets de [145] Napoleon. J'ai ete assure que ce diable ne desespere pas encore de sortir une autre fois de sa detention. Il ne faudrait que cela pour ruiner nos esperances sur la paix du monde. Cette lettre est confiee a un de nos negociants qui partent pour Tiflis, et que Chemir m'assure etre tres-adroit et devoue a notre gouvernement. Je souhaite qu'elle vous trouve en bonne sante et de bonne humeur, car mes griffonnages ont besoin sous tous les rapports de votre indulgence. Je suis indispose, j'ecris mal le francais, et pour comble de contrariete je suis presse et je n'ai pour table que mes genoux. Apres-demain je me mettrai de nouveau en route, et j'espere etre a Teheran en quinze jours au plus tard. Le temps est a la neige et il fait bien froid. C'est un miracle, si cette fois-ci je suis si heureux de finir ma course sans tomber malade. Je me recommande a vos bontes, et vous supplie de faire mettre a la poste la ci-jointe adressee a mon frere.