931. Ïèñüìî ãð. Íåññåëüðîäå ê ãåí. Åðìîëîâó, îò 13-ãî èþëÿ 1820 ãîäà

Au moment ou nos negociations avec la Porte se presentent sous un aspect tel que la question du littoral Asiatique semble meriter une attention exclusive de notre part, le Ministere a juge utile de s'entourer de toutes les notions qui peuvent contribuer a eclairer ce point important.

Ce motif nous a engage a demander au conseiller de cour Scassi, attache au Departement des affaires etrangeres et qui entretient depuis plusieurs annees des relations suivies avec la Circassie et le pays des Abazes, les renseignemens qu'il a eu occasion de recueillir sur les lieux, soit par lui-meme, soit par les individus qu'il y a employes.

Us se trouvent consignes dans le memoire ci-joint en copie que nous nous empressons de transmettre a Votre Excellence, parceque c'est a Vous, Monsieur le General, qu'il appartient de verifier les faits, de confirmer, de rectifier ou de detruire les idees et les raison-nemens qu'il renferme.

Cette communication n'a d'autre objet que de Vous mettre entre les mains un surcroit de materiaux de comparaison pour le grand travail que l'Empereur nous a charge de vous demander par notre depeche du 28 mai dernier.

Nous attendons cet ouvrage avec impatience afin de le prendre pour base dans nos arrangemens ulterieurs avec la Porte.

Notions sur Sonkhoum-kale et sur les Abazes, donnees par R. de Scassi.

La tradition des Armeniens et des Abazes qui habitaient Soukhoum-kale pendant la vie du pere de Kelech-bey a conserve daus le pays le souvenir des efforts que faisoient alors les Turcs depuis longtemps pour semer la division parmi les princes de cette famille, afin de parvenir a s'emparer du fort qui appartenoit aux Chervachidze, en y mettant garnison sons pretexte de les proteger; et en effet par cette conduite ils ont reussi a s'en rendre maitres absolus

Soukhoum-kale est un des meilleurs ports de toute la cote de l'Abaza lise trouve etre par sa position le centre du commerce qui depuis le fort d'Anagrie jusqu'au Phase se fait par cabotage, parceque la cote qui s'etend de Soukhoum-kale a Poti est depourvue de bons mouillages et dangereuse pour les grands vaisseaux Comme point commercial il est donc tres essentiel, puisqu'il offriroit un refuge et un bon hivernage aux vaisseaux qui serviroient aux relations avec ces cotes

Mais comme point militaire relativement a notre ligne, Soukhoum-kale ne peut etre en ce moment d'une grande utilite, si ce n'est par les services qu'il rend par son port aux vaisseaux qui transportent a Redout kale les provisions necessaires a sa garnison et a celles de toute la ligne jusqu'a Koutais, quand ils sont contraries par les vents ou qu'ils n'osent se hasarder dans la rade peu sure de Redout kale Les communications par terre seroient extremement difficiles avec nos etablissemens militaires, et dans l'etat actuel des choses Soukhoum-kale est plus onereux qu'utile au gouvernement En effet l'entretien de sa garnison coute des sommes immenses et l'existence des soldats, dont beaucoup perissent de maladies, y est tres malheureuse Attendant presque tout ce qui leur est necessaire de notre continent, souvent on les a vus manquer meme de pain Ils Bont obliges, pour avoir de bonne eau, de faire des sorties avec des detachement sans quoi ils courroient le risque d'etre enleves par les brigands voisins qui sont continuellement en embuscade et qui font assez souveut prisonniers quelquesuns de ceux qui vont fourrager

En general, pour atteiudre le but que l'on se propose — de pacifier ces peuples et de les mettre par l'influence de leurs propres besoins dans notre dependance, il faut se bien convaincre de la necessite de leur Oter toute crainte d'agression de notre part, et l'unique moyen d'y parvenir est de ne fonder d'abord sur leurs cotes que des etablissemens commerciaux que l'on fortifieroit ensmte dans la vue apparente de les proteger eux-memes contre les invasions de leurs voisins. Pour faire de Soukhoum-kale un etablissement de ce genre il faudroit se mettre d'accord avec les habitans du pays, et si l'on y parvenoit, il ne seroit pas absolument essentiel de se fixer precisement sur le point ou est assise cette forteresse et ou les Turcs croient avoir seuls des droits L'obstacle le plus important a vaincre est la difficulte de s'entendre et de traiter avec Sepher-bey et Hassan-bey, difficulte que l'on pourroit cependant surmonter sans beaucoup de peine par des moyens convenables, en employant des negociateurs habiles a traiter avec des gens de cette espece et prenant des mesures pour nouB garantir h, l'avenir. Lorsqu'on auroit atteint ce but, rien ne seroit plus facile que de former dans le mfme port ou plus au nord un etablissement d'echange que l'on fortifieroit plus tard et qui, en rendant les memes services a la navigation, aueantiroit promptement toutes les relations des Turcs; en effet ceux ci prenant en Russie une partie des denrees qu'ils importent dans ce pays, ne pourroient plus des lors soutenir notre concurrence En employant les memes moyens on pourroit fonder de semblables etablissemens a Kodor, a Soubech, sur differens points de la cote de Circassie, et parvenir ainsi a donner la tranquillite a nos frontieres si souvent ravagees et rassurer nos vaisseaux qui naviguent dans ces parages

La Turquie n'a jamais eu sur les Abazes aucune espece d'autorite et si elle a exerce quelqu'influcnce, elle n'a pu l'acquerir que par les guerres avec la Russie, en se donnant l'air de les proteger contre ses projets d'invasion, dont elle leur inspiroit la crainte, justifiee en quelque sorte par l'occupation des provinces voisines II etoit et il est encore tres facile aux Turcs d'entre teuir et d'enflammer la haine de ces peuples pour leurs voisins il entre meme dans la politique de la Porte de suivre a leur egard ce systeme; en effet cette frontiere est pour elle de la plus haute importance, car cette puissance peut ainsi sans aucun sacrifice occuper en tems de guerre une partie considerable de nos forces et se garantir de nos atteintes

La position de la Porte vis-a-vis de ces peuples est beaucoup plus avantageuse que la notre et quoique l'on voie percer dans toute sa conduite le de sir de les dominer, elle joue a leur egard le role de protecteur contre la Russie en satisfaisant bien ou mal lenrs besoins, les Turcs ont su les forcer a leur donner l'hospitalite et c'est a cette necessite dans laquelle se trouvent les Abazes de dependre d'eux pour les objets qu'ils consomment, qu'ils doivent la securite dont eux et leurs vaisseaux jouissent sur les cotes de l'Abaza. Leur gouvernement a encore employe des moyens plus efficaces par des presens, des distinctions et des caresses on a reduit les princes a embrasser l'Islamisme, a differentes epoques de l'annee des jeux de courses, de gint reunissent les pnn ces et la jeunesse a Anapa et sur d'autres points, la des recompenses sont decernees aux plus braves et aux plus adroit. Cet usage qui platt beaucoup a ces peuples, etant tres conforme a leurs m?urs, sert puissamment la politique de la Porte en lui procurant des occasions de leur insinuer tout ce qui est necessaire a la reussite de ses projets

Cependant il s'en faut de beaucoup que les Turcs soient estimes chez les Abazes et toute autre nation qui emploierait a leur egard le meme systeme en | retirerait beaucoup plus d'avantages; le commerce qu'ils font avec la Turquie leur est trop onereux pour qu'il en soit autrement en effet, les Turcs ne font aucun cas de leurs productions et de leurs bois de construction; en echange ; de tout ce qu'Us leur apportent ils ne prennent que leurs esclaves ou leurs propres enfans quelque barbares que soient les Abazes, la nature a partout ses droits et il n'est pas douteux qu'ils cesseraient toutes relations avec les Turcs des qu'ils verraient la Russie leur donner a meilleur marche le sel, le fer et les etoffes pour habillements en retour de leurs bois et des produits de leur chasse et de leur agriculture qui serait encouragee par la possibilite de l'echange En formant dans nos etablissemens ou forteresses des institutions semblables a celles des Turcs, les princes deviendraient aussi facilement chretiens que mahometauB et cela est Bi vrai que les princes circassieuB, quoique mu sulmans, president aux assemblees religieuses chretiennes et n'observent dans leurs demeures aucun des preceptes de l'Alcoran, ce dont j'ai ete plusieurs fois temoin oculaire. [647]

D'apres la connoissance que j'ai du caractere belliqueux et de l'esprit de rapine de ces peuples, il me parait prouve qu'il auroit fallu des le moment de l'occnpation de divers points militaires sur leurs cotes, etablir un systeme quelconque pour les amadouer, les obliger a recourir a nous pour leurs be soins, leur en faire naitre de nouveaux et leur faire prendre nos habitudes II etoit bien facile de les mettre dans notre dependance commerciale et de parvenir, par des avantages generaux (et aussi particuliers a ceux qui pouvoient jouir de quelque influence), a s'etablir sur toute cette cote,— seul moyen de tenir ces peuplades en respect et de garantir nos frontieres Malheureusement ces etablissemens etant tout a fait militaires, ont ete confies a des employes etrangers a ces vues. Des officiers de garnison, envoyes dans ces forteresses quelquefois par punition, n'etoient pas les hommes qui pouvoient inspirer de la confiance et operer des rapprochemens

Il serait beaucoup plus facile de traiter avec les Abazes qu'avec les Circassiens, parcequ'il ne faudrait avoir affaire qu'aux deux seuls pnnces Sepher bey et Hassan-bey qui peuvent tout sur eux, tandis que chez les Circassiens il y a une multitude de pnnces dont les interets sont differens et parmi lesquels il existe Mes haines de famille difficiles a eteindre II serait donc indispensable d'adopter a leur egard un tout autre systeme. C'est en gagnant les pnnces les plus puissants de la cote et les anciens des peuplades que l'on pourrait se fixer sur les points les plus convenables pour y former des etablissemens d'echange et par des assemblees frequentes et nombreuses s'attacher les peuples voisins, a l'exemple des Turcs Les pnnces ne demanderaient pas mieux en raison de l'utilite dont leur serait ce commerce et de l'influence qu'il leur donnerait, puisqu'il forcerait ceux de l'inteneur a venir chez eux s'approvisionner de tout ce qui leur est necessaire Peut-etre cela canseroit-il quelque guerre entre eux; ce serait alors un pretexte de fortifier nos etablissemens pour garantir les princes eux memes des incursions de leurs voisins. Plusieurs fois celui que j'ai forme a Pschad a ete attaque par les Chapsouks; Idar-oglou a eu pour cela plus d'une guerre a soutenir et il n'etoit pas eloigne de l'idee de me permettre d'environner de retranchemens l'emplacement des magasins et d'y avoir des ca-

C'est de cette maniere que dans le cours du quatorzieme siecle les Ge nois s'etoient etablis le long de cette cote ou l'on trouve des ruines de leurs nombreuses fortifications; ils s'offrirent a ces peuplades comme protecteurs de leur commerce et de la vient le respect qu'elles conservent encore pour cette nation

C'est donc par ce seul systeme que l'on peut parvenir a rendre hospitaliere cette cote de la Mer-Noire et en imposer a ces peuples alors seulement les etablissemens militaires que nous possedons sur les autres points de ce cercle immense pourront prendre de la consistance; alors aussi, par les moyens que l'on auroit de connoltre l'interieur du pays, l'on parviendrait sans doute a trouver quelque point de communication entre la haute ligne du Caucase et la Mer-Noire Mais 11 faut de l'ensemble entre les mesures militaires et commerciales a adopter les commandans militaires subalternes peuvent faire perdre eu un seul instant le fruit de plusieurs annees de soins

St Petersbourg, le 25 mai (6 juin) 1820.

_________

Les recherches historiques sur l'origine des Abazes et en general sur celle de tons les peuples dn Caucase n'offrent jusqu'apresent nen de satisfaisant m de bien positif Ces peuples, plonges dans les tenebres de la pins profonde ignorance, connoissent a peine les elements des arts les plus grossiers, l'ecriture leur est completement etrangere; ils ne peuvent donner aucune lumiere sur leur origine, puisqu'ils ne la connoissent pas eux-memes d'ailleurs leur ferocite qui retient les etrangers que le seul desir de s'instruire attirerait chez eux, la pauvrete du pays qui, faute de culture, manque des choses les plus necessaires a la vie, le grand nombre de langues qui sont en usage dans un espace assez retreci et leur extreme durete sont des obstacles faits pour rebuter les voyageurs les plus intrepides aussi n'y a-t-il d'etrangers parmi les Abazes qu'un petit nombre de Turcs, d'Armeniens, d'Imeretiens et de Mingre liens presquo aussi pauvres et aussi ignorants que les Abazes eux memes qu'ils ne frequentent que pour les iuterets de leur commerce; ce n'est point d'eux que l'on peut esperer de tirer quelques lumieres, puisqu'ils sont a peine en etat de rendre compte de ce qu'ils voient habituellement mais il ne parait pas impossible de trouver quelques traces de l'histoire des Abazes dans les Chroniques de Georgie, d'Imireth et de Mingrelie; cette supposition se fonde sur le voisinage de ces nations, sur les communications assez actives qu'elles entretiennent et particulierement sur la conformite qui existe entre elles et les peuples independant du Caucase

Situation actuelle de ces peuples

Mais si, dans le but que l'on se propose, la connoissance de l'origine de ces nations n'est pas d'une rigoureuse necessite, il n'en est pas ainsi de leur situation actuelle et malheureusement celleci n'est guere mieux connue en raison des difficultes precedemment enoncees, difficultes que ceux qui ont interet a n'avoir point de rivaux dans le pays ne manquent pas de grossir

L'histoire nous apprend qu'autrefois les bords de la Mer-Noire etoient habites par des peuples feroces dont l'usage etoit d'immoler ou de reduire en esclavage les etrangers qui avoient le malheur d'aborder sur leurs cotes; peu a peu cet usage barbare a cesse d'etre pratique; mais les peuples du Caucase y sont restes fideles, et, non contents de s'emparer de ceux que quelque accident jette but leurs cotes, ilB attaquent, lorsqu'ils peuvent le faire impunement, les petits bfttimens qui ont l'imprudence de longer la terre de trop pres; ils font sur leurs voisins des incursions qu'ils etendent quelquefois jusqu'aux nations pins eloignees; ils enlevent tout ce dont ils peuvent s'emparer particulierement les babitans qu'ils font esclaves et qu'ils vendent soit aux Turcs, soit aux peuplades limitrophes.

Les esclaveB Bont done pour eux une branche de commerce qui leur sert a se procurer une partie des objets qu'ils tirent de l'etranger et que leur offrirait en abondance leur sol fertile qu'ils pourroient exploiter avec tant de facilite; mais, ainsi que la plupart des peuples sauvages, craignant moins les fatigues et les dangers momentanes que l'application constante qu'exigeraient les travaux de l'agncnlture, ils preferent, pour satisfaire leurs besoins, un moyen qui, quoique moins sur, est plus prompt et plus conforme a leur humeur guerriere

Leur haine contre la Russie

Personne n'ignore combien les provinces de l'Empire voisines de ces nations ont a souffrir de leur humeur inquiete et de leur penchant au brigandage, dispositions qui sont encore entretenues par leur haine inveteree contre la Russie et dont on va tacher d'indiquer les causes

Ce sont surtout les insinuations perfides des Turcs, nos ennemis mortels, qui contribuent a fomenter cette haine que des liaisons de commerce bien dirigees devraient eteindre En effet, avant que les Russes eussent enclave dans leurs possessions les montagnes du Caucase par l'occupation de la Georgie, de l'Imireth, de la Mingrelie et du Gouriel, ces trois dernieres provinces etoient soub la suzerainete de la Turquie Soudjouk-kale et Anapa lui appartenoient, Soukhoum-kale, residence des pnuces d'Abaza, recevoit garnison turque les montagnards avoient autant a craindre alors de tomber sons le joug de la Porte, qu'ils ont a redouter aujourd'hui la domination russe; mais les Turcs, entretenant avec ces peuples un commerce qui satisfaisoit a tous leurs besoins, leur etoient necessaires, et ceux ci n'avoient garde de commettre des hostilites contre un peuple dans la dependance duquel ils etoient relativement a leur commerce, et qui d'ailleurs ne laissa jamais passer l'occasion de punir avec severite la moudre insulte

Moyens d'eteindre cette haine.

L'on peut donc affirmer avec raison que des mesures semblables anroient le meme sncces et ces mesures sont d'autant plus faciles a la Russie que les montagnards sont totalement enclaves dans ses possessions et que les objets dont ils manquent se trouvent en Russie d'ou les Turcs les exportent II sufli-roit donc pour detruire le commerce des Turcs dans ce pays, d'y faire des entreposes commerciales dont l'objet ne cesserait pas d'etre des productions de l'Empire

Il est d'autant pins presumable que le commerce ramenerait ces peuples a des sentimens plus raisonnables que deja les marchands de differentes nations et meme ceux qui sont reconnus pour sujets russes jouissent de la plus grande securite dans les montagnes sous la protection d'un pnnce quelconque; en effet les naturels sentent le besoin qu'ils ont des hommes qui leur procurent le necessaire et ils ont interet a ce qne ceux-ci n'aient aucune crainte a, concevoir pour leur surete personnelle Mais il seroit a desirer que ce commerce ne fut conduit que par des marchands russes, et s'ils recevoieut du gouvernement des encouragemens suffisans, ils pourraient donner plus d'etendue a leurs operations et y mettre plus d'ensemble; ce seroit le moyen d'en assurer le succes en inspirant a toutes ces nations des idees plus pacifiques et en leur donnant des besoins qu'ils ne pourraient satisfaire que par notre commerce en outre si l'on formoit dans cette vue des etablissemens sur les differents points que l'on jugerait avantageux, on y concentrerait une partie de la population qui sentirait l'avantage de se procurer ainsi la facilite d'echanger avec promptitude ses produits contre les marchandises etrangeres; ayant plus de besoins, leur brigandage ne suffirait pas pour les satisfaire, et en abolissant le commerce des esclaves qne les Turcs entretiennent, ce seroit le moyen de retablir entre toutes ces peuplades la paix et l'union qui ne pourroient qu'etre utiles aux entreposes des Russes

Elles seraient donc forcees de s'adonner au travail dont le gout augmenterait chez elles en proportion des benefices qu'elles en tareraient; leur haine contre les Russes ne venant en grande partie que de la crainte que leur inspire la vue continuelle des troupes, le commerce, en augmentant leurs lumieres et en leur faisant connoitre les vues pacifiques du gouvernement, detruirait les facheuses impressions que cette vue a produites

La pauvrete, l'ignorance et le besoin sont donc les causes principales de leurs hostilites, mais il en est une autre qui agit peut etre avec non moins de force — l'indulgence du gouvernement russe a leur egard; cette indulgence, comparee a l'ancienne sevente de la Porte a fait taxer les Russes de faiblesse et les Turcs entretiennent cette opinion en lenr parlant avec mepris des forces de l'Empire sans cesser cependant de les effrayer sur de pretendus projets de conquete

Le commerce anroit donc non seulement l'avantage d'enrichir la Russie en ouvrant de nouveaux debouches a ses productions et en lui facilitant les moyens de tirer parti de celles d'un pays fertile, riche en forets et en mines [648] et qui ne demande que peu de culture pour produire avec profusion au dela des besoins de ses habitons; mais il nous donnerait en outre le moyen de bannir a jamais de cette contree des ennemis qui n'y trafiquent qu'arec nos productions

Mission d'un employe envoye par M de Scassi chez les Abazes en 1818

Le 30 september 1818 un employe fut envoye pour prendre des notions sur le commerce et les ressources de ces differons peuples Apres s'etre rendu a Soukhoum et avoir echoue dans la tentative de traiter d'un achat de bois avec le prince Hossan-bey, il fit a Skourtcha (nomme sur les cartes russes Ouekoucha), pour la somme de deuz-cent-qnarante roubles un chargement de deux-cents pieces de chene de deux sagenes de long et d'un pied de diametre, ce qui peut donner une idee du bon marche des bois A Codor il fut conduit par plusieurs pnnces a quelques verstes le long de la cote et a trois ou quatre verstes seulement dans les terres, mais a Soouk-sou il ne put obte nir du prince Sepher bey la permission d'aller jusqu'a la Pitzounda pour visiter les forets et les lieux les plus propres a l'abattis et au chargement des bois Sans entrer dans de pins grands details sur le voyage de cet employe, il suffira de rapporter le resultat de ses observations

Situation de la forteresse de Soukhoum-kale

La forteresse de Soukhoum kale est Bituee au fond d'une baie assez vaste, formee par le cap de Codor a soixante verstes an midi de la riviere de Pitzounda et a quatre-vingt dix verstes de la forteresse d'Anagne sur la riviere d'Ingour Quoique cette baie soit tres ouverte du cote de la mer, elle est cependant sure, etant a couvert des vents d'est et de nord; il arrive quelquefois cependaut que lorsque ces deux vents soufflent avec violence, les vaisseaux sont jetes en mer, mais il est encore sans exemple que les vents du sud les plus violeus aient jete quelque batiment a la cote, parceque le fonds est tres ferme, en pente rapide, et qu'a une petite distance du nvage il offre un mouillage tres profond; les ancres alors ne peuvent etre arrachees, mais la raison qui empeche les batimens d'echouer sur la cote fait qu'ils sont plus facilement jetes en mer

Il y regne assez communement en ete un vent de terre pendant la nuit et le vent de mer pendant le jour; en hiver le vent de mer n'arrive pas jusqu'a la cote, mais il y envoie un flot si violent que souvent par le tems le plus calme il est impossible aux barques d'aborder La violence de la vague a empeche jusqu'apreseut de construire aucun mole pour le chargement des babmens, ce qui est fort incommode pour ceux, qui ont affaire dans le port pendant l'automne On ne pourroit construire ce mole qu'en pierre et il faudrait le dis poser de maniere a procurer aux barques un abn contre la vague qui leur permit d'operer le chargement et le dechargement dans tons les tems

La baie est traversee par le courant qui vient du cap de Codor et qui est assez rapide dans cet endroit, il l'est beaucoup plus encore au dessons et surtout a la Pitzounda ou, par le calme, il fait denver les vaisseaux de deux nulles par heure, selon les rapports des officiers de marine.

La forteresse est situee danB une petite plaine bornee d'un cote par la mer et de l'autre par les montagnes; pres de la forteresse cette plaine n'a pas plus d'une verste de largeur, mais elle s'etend en allant vers le nord; elle est entrecoupee de ruisseaux dont les bords etoient revetus de pierres lorsque cet endroit etoit au pouvoir des Turcs; l'un de ces ruisseaux, faisant le tour de la forteresse, lm formoit nn fosse d'eau vive assez large pour qne les bar ques du pays pussent en faire le tour H y avoit alors pins de quatre cents maisons dans la forteresse et dans le faubourg et il s'y faisoit un commerce assez actif avec Trebizonde et Constantinople; les habitons, ruines par l'arrivee des Russes, abandonnerent leurs maisons et allerent en partie s'etablir au village de Kelassour, residence du prince Hassan bey, ce village est domine par une col line sur laquelle sont des ruines d'anciennes forUBcatious, c'est la que vient aboutir la fameuse muraille de defense qui s'etend a quatre-vingts verstes dans l'interieur; on n'en laisse pas approcher les etrangers, et l'employe rusee qui passoit pour un espion, ne put la voir, non plus que les autres ruineB de forts et de chateaux qui se trouvent dans le pays.

Autrefois toute la plaine et les coteaux voisins etoient cultives, aujourd'hui, faute d'entretien, le revetement des fosses et des ruisseaux etant detruit, ceux-ci debordent et ont converti en marecage un terrain nagneres fertile et bien cultive; les fosses a demi combleB ne sont pins qu'une mare bourbeuse qui dans les tems chauds exhale des miasmes insuportables qui ne contribuent pas peu a la mortalite des soldats; cependant la pierre et la chaux etant communes, il en couterait peu pour retablir et entretenir ces travaux.

La forteresse est un carre long de quatre vingts sagenes sur soixante de large; elle est composee de quatre murailles assez elevees, construites en cailloux de mer et garnies de crenaux; les angles sont defendus par des bastions pentagones par le mauvais tems le pied d'une des murailles est battu par la mer a tel point que l'un des bastions est ecroule La forteresse est defendue par deux compagnies d'infanterie et une demi-compagnie d'artillerie de garnison; ces troupes sont reduites a la moitie par leB maladies dont la plus commune et celle qui y fait les plus grands ravages est la fievre quarte

L'on pretend que l'air en est malsain et les maladies qui y regnent semblent assez le prouver; mais il est plus naturel de penser qu'elles ont d'autres causes, telles que la mauvaise qualite de l'eau, le manque de logements, d'exercice, et surtout de bonne nourriture

En effet l'eau des puits de la forteresse et des ruisseaux, naturellement malsaine, se corrompt encore en ete; on ne peut s'en procurer de bonne qu'a deux verstes, mais le danger d'aller a une aussi grande distance sans etre bien accompagne et le manque de barques pour faire ce trajet par mer, empechent de profiter de cette ressource

Quant aux logemens il y a dans la forteresse deux ou trois miserables batiments en planches enduits de terre glaise a l'exterieur, et qui sont honores du nom de casernes; les soldats y sont entasses et devores d'insectes malgre l'emploi frequent de bains de mer et de vapeur; il ne faut pas excepter les maisons d'officiers ni meme celle du commandant. L'hopital est le batiment le plus propre et le mieux entretenu

Relativement a la nourriture on n'ignore pas que les soldats recoivent a Soukhoum une livre et demie de viande par semaine et trois tcharkas d'eau-de vie, mais on leur remet assez ordinairement leur portion de viande en argent, et la moitie de l'annee ils sont obliges de se contenter de pain et de ka cha parceque l'on manque de viande de boucherie

La privation la plus sensible pour eux est celle des legumes; on les voit souvent mettre dans leur soupe des orties, des chardons et quelques fois meme des tiges d'herbes de marais La petite plaine qui avoisine Soukhoum etant bien arrosee, etoit autrefois cultivee avec succes; elle sert aujourd'hui de paturage a quelques bestiaux qu'entretiennent les vivandiers et qni ne suffi sent pas pour approvisionner la forteresse; un espace de quelques toises est employe en petits jardins qui appartiennent aux officiers et aux vivandiers mais ces jardins mal cultives et peu soignes, ne rapportent que quelques con combres, melons etarbouzes en trop petite quantite pour que tous puiesent s'en procurer Les soldats restant quelquefois sans occupation, ne pourroit-on pas leur donner pour le tems de leur sejour a Soukhoum de petites portions de terre qu'ils cultiveroient et qui pourraient leur procurer quelques douceurs dont ils ne jouissent pas ce travail ferait diversion a l'ennui qui les devore et qui contribue a detruire leur sante Cette mesure auroit en outre l'avantage de donner aux Abazes les premieres notions d'agriculture et de jardinage et de leur faira con-noltre plusieurs plantes utiles qu'ils ne possedent pas il est vrai de dire que les soldats sont employes aux travaux de la couronne; mais, outre que ces travaux sont tres fatigans, ils leur rapportent peu de chose et d'ailleurs ne les occupent pas toujours ainsi l'on pourrait leur laisser une partie de leur tems pour leur travail particulier Comme il n'y auroit qu'une foible portion de la plaine ainsi occupee, l'autre serait toujours pins que suffisante pour la nourriture des bestiaux dont il serait utile d'augmenter le nombre afin d'approvisionner completement la forteresse

Sans s'etendre davantage sur la description de Soukhoum comme place de gnerre, il est bon de donner quelques details sur son commerce et l'etat du pays environnant qui sont moins conuus.

Etat de l'Abazie

L'Abazie occupe le long de la Mer-Noire un espace de cent cinquante a cent-soixante verstes depuis l'embouchure de la Pitzoundi jusqu'a celle de l'Ingour et ne s'etend gueres qu'a quarante ou cinquante verstes dans l'interieur H s'en faut de beaucoup que ce pays soit peuple en proportion de sa surface et de la fertilite de son sol il parait exagere d'en evaluer la population a cent mille habitans, on assure que la peste et la famine qui ont fait, en 1811 et 1812, de si grands ravages dans la Georgie, l'Imireth et la Mingiehe, en ont detruit pres de la moitie

Tout ce pays est couvert de vastes forets dans lesquelles on trouve ca et la quelques endroits assez mal cultives; cependant presque partout le sol est extremement fertile et propre a toutes sortes de grains, particulierement dans les environs de Soouk-sou, residence de Sepher-bey, sur le bord de la mer, entre la Pitzounda et Soukhoum, dans la plaine de Soukhoum et dans celle qui commence a dix ou douze verstes de Soukhoum et qui longe la mer en s'elargissant jusqu'a la Mingrehe qui en forme la suite

Ses productions

Les productions principales de ce pays sont le millet et le ble de Turquie Ces graines et quelques plantes potageres sont presque les seuls objets de culture dont s'occupent les Abazes, la plupart des fruits y viennent spontanement et d'une excelleute qualite, particulierement le raisin qui dans quelques cantons est superieur au meilleur raisin de Cnmee Les officiers russes en font d'excellent vin, mais les Abazes qui n'en connoissent pas bien la fabrication, en tirent une liqueur qu'eux seuls peuvent boire.

Les autres produits sont du betail en petite quantite dont la peau est vendue par les habitans qui ne savent pas travailler le cuir de b?uf, de mouton et de chevre, (ils font pourtant quelques outres avec ce dernier) Les martres, les chakals, les peaux d'ours de mediocre qualite, celles de renard, de loup, de chat sauvage et de castor; mais ces dernieres en petit nombre.

Les montagnes de l'Abazie sont peu elevees et il n'en est pas beaucoup qui soient escarpees; mais a mesure que l'on penetre dans l'interieur, la hauteur en devient considerable. Elles sont en general bien boisees et la ve getation y est luxuriante. [649]

Forets

Les forets s'etendent sans interruption depuis la Pitzounda (et probablement de pins loin) sur toute la cote jusqu'au dela du Phase, ou pour mieux dire l'Abazie, la Tsebelda, l'Imireth et la Mingrelie ne sont qu'une immense foret dans laquelle on trouve ca et la quelques endroits cultives Presque partout sur la cote les forets ne sont qu'a quelques toises de la mer

Les environs de Soukhoum depuis la forteresse jusqu'au cap Eodor au sud et quelques verstes au-dela, et vers le nord jnsqu'a quinze verstes, ne produisent que des bois de mauvaise qualite, en iaison de la nature du terrain qui sur presque toute cette etendue est bas et marecageux en general on y trouve peu d'arbres propres a une construction solide, et dans l'interieur on ne peut en avoir de bons qu'a quinze ou vingt verstes; mais le transport en est difficile a cause des montagnes, et d'ailleurs les forets sont tellement embaras-sees de ronces, d'epines et de vignes sauvages qu'elles sont impenetrables; ce dernier inconvenient est a la verite celui de toutes les forets de l'Abazie Les habitans de ce pays n'employant pour la construteion de leurs maisons, qui sont en petit nombre, que des branches minces dont ils font un treillage enduit in teneurement de terre glaise, et ne construisant que de petites nacelles formees d'un seul tronc d'arbres, n'emploient que tres peu de bois; aussi laissent-ils pourrir sur pied les plus beaux arbres et leurs forets sont encombrees de troncs renverses, excepte autour des rades ou ce bois inutile est brule par les voya.

Entre Kodor et Skourtcha le terrain commence a s'elever sur le bord de la mer et graduellement dans l'interieur depuis cet endroit jusqu'a Ilori la cote est couverte de beaux bois de construction, particulierement autour de la baie meme

Baie de Skourtcha.

Cette baie s'avance peu dans les terres en propoition de sa largeur; elle est commode en ete, mais etant trop ouverte et d'un fond peu solide, elle n'est pas sure en hiver Elle recoit quelques petits ruisseaux qui donnent de bonne eau; l'un d'eux lui a donne son nom

Outre le plus beau bois de chene, le pays abonde en buis, chataignier, noyer et noisetier, il en produit aussi beaucoup d'une autre espece pins dure et plus louide que le chene et que les Russes nomment bois blanc On n'entend point parler en ceci particulierement de Skourtcha, mais aussi de toute la cote qui s'etend depuis cette baie jusqu'a la forteresse d'Anagrie.

Prix des bois

Le prix de ces bois n'est pas fixe; les possesseurs ne les vendent pas piece a piece, ils font des marches pour le churgement entier d'un batiment et le mieux est de s'arranger pour choisir le bois sur pied et laisser aux Abazes le soin de l'amener sur le rivage, en convenant toutefois que les pieces qui se trouveraient defectueuses apres l'abattis resteraient a leur compte quelques presens d'etoffes communes, d'eau-de vie, de quincaillerie peuvent en faire baisser beaucoup le prix.

Au-dela de Soukhoum, vers le nord, aux environs du vieux Soukhoum et de Soouk sou, residence de Sepher-bey. on retrouve les memes especes de bois qu'a Skourtcha, mais la cote manque de mouillages De plus le terrain qui avoisine Soouk-sou, quoique eleve, est humide a cause de l'innombrable quantite de sources et de ruisseaux dont il est arrose, aussi le bois, quoique bou, n'y est pas d'une qualite semblable a celle que l'on rencontre a Skourtcha et a lion il y a une petite baie a Soouk-sou, mais elle n'est pas sure.

Baie de la Pitzounda

Mais quelques avantages que presente en general cette cote pour la quantite des bois, leur qualite, la facilite de les amener nu rivage et de les charger, ils sont foibles en comparaison de ceux qu'offre la baie de la Pitzounda, si l'on s'en rapporte au temoignage des habitans et des Russes qui l'ont visitee Le mouillage de cette baie qui est assez spacieuse el parfaitement sure, a pi es du rivage sept a huit sagenes de profondeur Les plus belles forets, dans lesquelles on trouve des pins et des sapins sont a une petite distance de la baie; l'eau de la riviere est bonne et en outre il y a des sources dans les environs

Cependant ceux des etrangers qui ont construit des vaisseaux dans ces parages n'ont jamais choisi pour cela la baie de la Pitzounda, a cause des incursions frequentes qu'y font les Circassiens et qu'ils etendent quelquefois beaucoup plus loin C'est pour s'en garantir que Sepher bey a fait construire sur le bord de la mer, aux environs de sa terre de Soouk-sou, de petites cabanes de bois avec des meurtrieres; ces baraques qui peuvent tout au plus contenir sept ou huit hommes, sont nommees forteresses par les habitans

L'on pourroit arreter ces incursions en occupant la montagne de Gngra au pied de laquelle est l'unique passage par terre; ce passage est si etroit que pendant le calme les chevaux ont de l'eau jusqu'aux sangles On pretend que Sepher-bey, pour assurer sa tranquillite du cote des Circassiens, a propose au Gouvernement l'occupation de ce poste II est vrai qu'ils peuvent arriver par mer, mais comme dans ce cas il leur est impossible de prendre des chevaux avec eux, leur attaque et leur retraite ne sauraient etre aussi promptes, ni leur butin considerable, en raison de la difficulte de charger beaucoup leurs barques legeres

Difficultes qui s'opposent au commerce

L'humeur inquiete et le caractere perfide des Abazes diminuent sans doute les avantages precieux que presente leur pays II faut avoir egard aussi a la difficulte de s'y procurer des ouvners pour la coupe des bois, difficulte qui n'est ceperdant pas aussi grande qu'elle avoit para d'abord En effet les Abazes ne se livrent pas volontiers a un travail pemble dont ils ne peuvent pas recueillir le fruit immediatement; c'est a cette cause, ainsi qu'au manque de commerce et a la foiblesse de leur population que l'on doit attribuer le mauvais etat de leur agriculture mais en les payant a la journee il seroit possible de trouver parmi eux un nombre suffisant d'ouvriers ceux qu'entretenoit a un prix assez modique le capitaine Jourgaqui (») pour la construction d'un batiment a Soouk-sou servent de preuve a cette assertion Les vivandiers de Sou-khoum qui emploient aussi des Abazes pour labourer et entourer de baies leurs jardins, les payent cinq paras (dix copecks) par jour cependant il seroit peut etre difficile de s'en procurer beaucoup a ce prix.

Les difficultes provenant du caractere des Abazes sont grandes sans doute, mais non pas insurmontables Elles n'existoient pas pour les Turcs qui, pendant la vie de Kelech bey, pere de Scpher-bey, avoicnt sur la cote d'Abazie un chantier ou ils construisoient des fregates, et si l'on peut le dire, elles n'existent pour les Russes qu'en raison de la conduite qu'ils tieunent avec ces peuples, conduite dont ces derniers sont loin de sentir la noblesse et d'apprecier les motifs.

En effet les Russes ont cru possible d'amener a la raison par les voies de douceur det> hommes farouches qui, vindicatifs par suite de leurs prejuges autant que par le manque de police et de gouvernement, ne connoisent presque d'autre justice que celle qu'ils se font eux-memes et regardent comme lache celui qui laisse une offense impunie; c'est la precisement l'opinion que leur a fait concevoir la generosite du gouvernement russe quelque nombreux que soient les actes d'hostilite que ceux-ci ont commis et qu'ils commettent encore assez souvent, non seulement il n'en a tire aucune vengeance, mais il est douteux qu'ils en aient ete meme menaces aussi les Abazes sont - ils assures de l'impunite a tel point que le prince Nartcha qui a tue un soldat sur le mar che, ne craint pas d'y envoyer son fils Cette conduite des Russes dont les Abazes sont loin de sentir les motifs et qu'ils attnbuent a la pusillanimite, leur a inspire pour eux un profond mepris peut Ctre seroit-il necessaire, pour retablir la reputation des Russes parmi ces peuples, de faire quelques exemples de severite Mais quelle que soit cette reputation, il est douteux qu'elle put etre utile, si l'on ne fait d'un autre cote tous les efforts possibles pour deraciner la haine que le commerce des Turcs, la presence d'une garnison armee a Souklioum et quelques traditions ont inspiree aux Abazes.

Ainsi qu'il l'a ete dit plus haut, ce ne seroit que par le commerce que l'on pourroit ramener ces peuples a des sentimens plus raisonnables, et jusqu' ici les Russes n'en font aucun chez eux, car on ne peut appeler de ce nom le brocantage de sept vivandiers non maries qui composent la populatiou de Souklioum Parcouiant le pays en toute liberte, ils vendent aux Abazes du sel, du fer, de la laine, quelques chaudrons et des vases de bois et de verre, et ils negligent beaucoup d'autres objets qui seraient de premiere necessite pour eux ils importent en Russie du miel, de la cire, des noix et quelques peaux, mais en trop petite quantite pour que cela soit de quelque importance; d'ailleurs ce commerce n'est d'aucune utilite pour les Russes, puisque ceux qui le font, quoique sujets de l'Empire, regardent le nom de Russes comme une injure.

Les Abazes ne fabriquent rien chez eux, a l'exception d'un mauvais drap dont ils ne font encore qu'une petite quantite Ils doivent tirer de l'etranger les objets de premiere necessite qui sont la poudre, les armes, le fer ouvre, les toiles et meme les draps, les peaux travaillees, les mouchoirs communs, quelques etoffes et petits colliers servant a la parure des femmes, et de plus de la quincaillerie de toute espece.

Toutes ces marchandises leur sont fournies par les Turcs et il est naturel que, tenant d'eux leur subsistance, ils s'y attachent de preference Les Turcs exportent de la cire, du miel, des peaux crues, des fourrures etc , mais ils negligent plusieurs autres objets qui peut-etre ne se vendent pas bien en Anatolie et qui au contraire seraient tres avantageux en Russie, tels que les bois de construction, le buis et le noyer.

Il ne faut cependant pas croire que les Turcs soient aimes en Abazie; leur caractere lourd et taciturne est trop eloigne de celui des habitons ils sont plutot toleres que bien vus et il ne seroit pas difficile aux Russes de les supplanter s'ils l'entreprenoient serieusement, car Les Turcs sont tous pauvres et ne sont pas soute nis par leur gouvernement Ils sont proteges par Hassun-bey qui est mahometan, mais qui leur retirerait sa protection pour s'attecher aux Russes s'il y trou voit un avantage reel Les Turcs seraient alors reduits a evacuer le pays ou a se faire courtiers des Russes, car ils achetent de nous le sel, le fer et la laine qu'ils revendent aux Abazes quant aux objets fabriques, ils sont en Rnssie de meilleur qualite et a meilleur marche qu'en Turquie; de pins les Russes en exportant du pays plusieurs produits negliges par les Turcs, procureraient un double avantage aux habitans.

Moyens necessaires a l'etablissement du commerce

algre la pauvrete des Abazes, le commerce pourroit devenir florissant, s'il etoit conduit par des personnes qui eussent les moyens et les capitaux necessaires mais il est douteux qu'il put etre commence avec succes par une [650] seule personne ou par une compagnie qui n'auroit que de mediocres capitaux, car le peu de relations commerciales que les Abazes ont avec les Circassiens et les foibles moyens qu'ils ont d'en etablir, forceroieut ceux qui voudroient tenter des entreprises dans ce pays a transporter eux-memes leurs marchandises sur les lieux ou elles se consomment, pour les y echanger contre les denrees du pays Une partie de ces transports ne pourrait se faire par mer que sur de petits bateaux afin de pouvoir relacher sur tons les points de la cote ou le debit serait avantageux Si les choses restoient dans l'etat ou elles sont, les bateaux seroient obliges de stationner a chaque point jusqu'a la vente totale de la cargaison, ce qui ne serait pas sans quelque danger dans les commencements en raison de l'inconstance des habitans et de leur penchant au brigandage A l'exception des bateaux de transport qui sont en petit nombre, le pays n'offre aucune des commodites necessaires a l'etablissement du commerce, l'on ne trouve nulle part ni magasins, ni maisons, ni aucun abri quelconque pour mettre les marchandises a couvert 11 y a bien a Soukhoum et a Kelassour quelques boutiques, mais si petites, que quelque pauvres que soient les habitans, elles suffisent a peine a leurs besoins.

Il faudrait donc, pour conserver un depot considerable de marchandises, construire des magasins a Soukhoum et a Kelassour sous la protection immediate de Hassan-bey dont on auroit soin d'eutretenir l'amitie par des preseuts et meme, s'il etoit necessaire, par une retribution annuelle Mais si le commerce s'etendoit, ce qui ne manquerait pas d'arriver, s'il etoit bieu conduit, de semblables magasins deviendraient necessaires sur les differents points de la cote ou la vente est avantageuse La protection de Hassan-bey et de ses freres suffirait bien pour garantir ces magasins d'une attaque a force ouverte, mais celle des princes voisins les mettrait a couvert de toute insulte parti.

Lieux ou l'on pourroit faire des etablissements

Les principaux points ou ce commerce pourroit se faire sont la forteresse de Soukhoum; au midi le village de Kelassour qui en est eloigne de six verstes; a quatorze on environ le cap Kodor qui prend son nom d'un ruisseau qui s'y jette dans une baie peu sure, a quarante verstes la baie de Skourtcha; les marchands turcs s'arretent frequemment dans ces deux endroits; enfin lion qui n'a pas de baie Tous ces points sont bien pourvus de bois et d'eau et l'on pourrait louer des ouvriers du pays pour la construction des magasins.

Au nord de Soukhoum on pourroit se fixer a Soouk-sou sans autre nsque que d'etre friponne par Sepher-bey de meme qu'a lion qui lui appartient Un etablissement permaneut a la Pitzounda seroit dangereux a cause des Circassiens, a moins qu'on n'occupat la montagne de Gagra et qu'on construisit une batterie de quelques pieces pres des magasins.

Mais quelque part que l'on soit, l'amitie des pnnces suffit pour etre tranquille, et l'on pourrait, par leur moyen penetrer dans l'interieur meme jusqu'a la route militaire du Caucase et descendre au-dela de la Pitzounda jusqu'a Eo-dor, Adler et Gheluindjik, les productions de ces endroits sont a peu pres les memes que celles de l'Abazie D'ailleurs, lorsqu'on seroit personnellement bien connu dans le pays, il suffirait d'entretenir la bienveillance des pnnces pour y voyager librement sans escorte.

Mine de plomb

Un objet qui peut devenir d'une importance majeure et qui mente que le gouvernement s'en occupe, est une mine de plomb qui se trouve a soixante verstes de Soukhoum au pied d'une montagne qui s'apercoit de la forteresse; leB Abazes ne souffrent pas volontiers qu'on s'en approche, persuades qu'elle contient de l'argent II est difficile de se procurer du minerai, quoiqu'il soit tres abondant et presqu'a fleur du sol les Abazes s'en servent pour faire leurs balles et il est alors aussi pur que le plomb que nous employons l'epreuve en a ete faite par la coupellabon sans que l'on y ait trouve d'argent.

Mine d'or

On pretend qu'il existe a quelques verstes de Soouk-sou une mine d'or que Sepher-bey prend le pins grand soin de cacher, craignant que si son existence venoit a etre connue des Russes, on ne lui enlevat le territoire qui la recele II est non seulement dangereux d'en approcher, mais meme de laisser apercevoir qu'on en a connaissance.

Communications

Les communications entre la Mingrebe et la Circassie ont heu par mer an moyen de petites barques turques qui longent la cote a la voile et a la rame et que l'on remorque souvent a la cordelle; on les tire a terre pendant la nmt Le nombre de ces barques est fort restreint, mais il suffit au commerce qui se fait On peut aussi communiquer par terre en suivant le nvage, mais cette route n'est praticable que pour les gens a cheval, a cause du sable sur lequel on marche continuellement II existe une autre route qui traverse quelques villages a une petite distance de la mer; on assure qu'elle est tres mauvaise, tant a cause de son peu de largeur que des arbres renverses qui l'encombrent les Abazes ne faisant par terre aucun transport par chanots et ne voyageant qu'a pied on a cheval, cet obstacles sont pour eux de peu d'importance; de plus elle est presqu'impraticable en automne et an pnnptems par le debordement des ruisseaux; elle est plus courte que l'autre de quelques verstes

Il est etonnant que depuis que les Russes possedent Soukhoum et la Mingrelie, on n'ait pas encore etabli de communication par terre entre cette forteresse et Redout-kale, ou vient aboutir la route faite par le general Yermoloff pour la communication de Tiflis avec la Mer-Noire La distance de Redout-kale a Soukhoum est de 98 verstes et si l'on ouvroit une communication par terre, on pourroit etablir sur la cote des postes cosaques pour le service de la poste sous la responsabilite du prince, ou meme le faire par des Abazes en prenant les precautions convenables.

Village de Kelassour — Danger de la peste

Le village de Kelassour pres de Soukhoum est l'entrepot de toutes les marchandises de l'Abazie qui s'exportent en Anatolie et reciproquement; il y vient chaque mois deux ou trois petits babmens turcs qui dechargent leurs cargaisons sans precautions suivant l'usage des mahometans Une communication journaliere est etablie entre ce village et Soukhoum, et des habitons fournissent a la forteresse presque tout ce qui s'y consomme en vivres, tabac et etoffes pour les vivandiers II est incertain qu'il doive y avoir uue quarau-taine a Soukhoum, mais on assure que les bfttimens arrivant de l'Anatohe y sont astreints a une observation de quelques jours, aussi pour eviter cet embarras, ils debarquent a Kelassour, ce qu'on ne peut empecher, puisque ce village appartient au pnnce Hassan-bey qui est independant

La brandvakhta qui est en statiou a Soukhoum, va tons les quinze jours a Redout-kale pour y remettre les papiers et rapports concernant l'etat de la forteresse; ces papiers sont immediatement envoyes a Tiflis et il est incertain qu'ils subissent a Redout-kale les epreuves preservatrices, non plus que les effets ou papiers destines pour la Georgie II s'y trouve bien a la vente une cabane nommee quarantaine, sous la surveillance du commandant, et les bfttimens qui arrivent de Constantinople et de l'Anatohe doivent la subir autant que le local le permet; mais il en vient continuellement aPoti qui n'est eloigne de Redout-kale que de quelques verstes et ou les lois de la quarantaine ne sont point observees; et, comme il existe entre ces deux ports une communication par terre, il suffit que la peste soit a Trebizonde, pour que les endroits dont on vient de parler en soient promptement attaques.

Prisonniers russes

Le moyen le plus sur et le plus prompt de commencer des liaisons commerciales qui devinssent sur le champ utiles aux Abazes, seroit peut etre le rachat des pnsonniers et deserteurs russes qui sont au nombre d'environ trois mille Beaucoup d'entre eux regrettent leur patrie et ceux qui sont coupables de l'avoir abandonnee, ont pour la plupart le desir et les moyens de rentrer dans son sein; mais, ignorant le pardon genereux que Sa Majeste Impenale a daigne leur accorder, la crainte des chatimens les retient et pnve l'Empire d'un grand nombre de sujets qui pourroient redevenir utiles Cela vient de ce que ceux qui pourroient leur annoncer ce pardon ne le font pas, de peur de se compromettre Les pnnces Abazes sout disposes a rendre ces pnsonniers pour la somme de trois-cents roubles au plus (75 roubles d'argent), et beaucoup moins en marchandises. Mais un grand nombre d'entre eux sont manes a des femmes du pays et ont des enfans; les parents de leurs femmes verroient avec peine leur depart d'autres craindroient d'etre reintegres au service eu rentrant en Russie; l'on assure que la plupart de ces prisonniers n'auroieut pas de repugnance a venir s'etablir a Soukhoum ou dans tel autre heu ou ils pourroient vivre reums et tranquilles sons les lois de leur pays et de leur religion

L'on objectera sans doute que l'etablissement de cette colome seroit aussi difficile, sinon impossible, qu'il pourroit devenir avautageux, les colons etant continuellement exposes aux attaques des Abazes; mais, comme ils sont pour la plupart manes a des femmes du pays, ils auraient au moins leurs parents pour les defendre; d'ailleurs, ne pourroit-on pas s'assurer des pnnces, soit par des presens, soit en prenant des otages parmi eux et de plus si l'on mettoit a execution les entreposes projetees pour l'exploitation des forets, les pnnces et nobles qui en sont propnetaires y trouvant leur avantage, seraient interesses a maintenir l'ordre et quoiqu'on en puisse dire, leur autorite est suffisante pour y parvenir

C'est ici le heu de dire un mot de l'espece de gouvernement qui regit ces peuples

Gouvernement.

L'Abazie est divisee entre un grand nombre de petits pnnces et nobles qui possedent des domaines plus ou moins etendus sur lesquels ils ne sont pourtant pas maitres absolus; ils reconnoissent pour suzerain le pnnee Sepher-bey comme l'aine de la famille des Chervachidze II est fils de l'infortune Ke-lech-bey qui fut assassine a Soukhoum par Aslau-bey, son fils, qui commit ce cnme a l'instigation des Turcs a cause de l'attachement de ce pnnee pour les Russes.

Autorite de Sepher-bey

L'autorite de Sepher-bey sur les pnnces Abazes n'est pas fort etendue, car il ne jouit gnere que de la consideration que l'on accorde a ses richesses et a sa naissance; on le regarde plutot comme un doyen que comme un souverain; il n'a aucun pouvoir executif ni legislatif, et il n'est puissant que pour sa defense personnelle et celle de ses amis II n'a le droit de juger en dernier ressort dans aucune affaire, pas meme dans celles qui le regardent personnellement il ne peut nen decider sans convoquer une espece de diete ou se reunissent [651] les princes, les nobles et les particuliers; la les affaires se jugent a la majorite des voix il est vrai que la sienne et celle de ses freres sont d'un grand poids dans ces sortes d'assemblees Quelque restreinte que soit son autorite, personne cependant ne se hasarderoit a l'offenser, car la vengeance suivroit de pres l'insulte et elle seroit plus terrible et plus a craindre que les decisions de la diete aussi, sous sa protection non seulement on est tranquille, mais encore on jouit d'une certaine consideration.

Ses revenus

Il ne tire de ces sujets d'autre tribut que les presens qu'ils veulent bien lui faire pour se mettre dans ses bonnes graces et qui sont assez considerables. Il sait aussi en extorquer C'est un crime en Abozie de refuser quelque chose et celui qui a essuye un refus manque rarement l'occasion de se venger

Sepher-bey n'a de revenu fixe que celui de ses propres domaines, de ses esclaves qui sont en petit nombre, et la pension qu'il recoit de la Russie Son autorite seroit plus grande, s'il avoit le courage de le vouloir; mais la foiblesse de son caractere, son changement de religion et sa soumission a la Russie, a laquelle il n'est pourtant pas attache, l'ont rendu mepnsable et odieux au plus grand nombre et il n'a pas assez de fermete pour profiter de la protection de la Russie pour chercher a relever son autonte chancelante II y a peu de fonds a faire sur son courage et sa bonne foi.

Autorite de Hassan-bey

Il n'en est pas ainsi de son frere Hassan bey; sa jeunesse et sa valeur lui ont merite une consideration qu'il sait bien entretenir Son amitie est a beaucoup d'egards 'plus utile que celle du Sepher bey II exerce dans son village une autorite presque despotique; il n'est ni ami, ni ennemi des Russes, mais il les frequente volontiers et ne souffre pas qu'il leur soit fait aucun tort lorsqu'ils viennent chez lui; il est a croire qn'il prendrait chaudement leurs interets s'il y trouvoit des avantages qm pussent compenser la perte de l'amitie des Turcs.

Puissance des princes

Ce qui vient d'etre dit de la puissance de Sepher-bey sur les princes, peut s'entendre de celle de ces derniers sur leurs vassaux; ils sont respectes plutot comme des anciens que comme des maitres et, quoique possesseurs du territoire qu'ils habitent, ils n'en tirent que ce que leurs sujets veulent bien leur donner ils sont meme obliges de les regaler lorsqu'ils veulent leur faire commencer le travail, de meme que lorsqu'il finit Quelquesuns d'entre eux possedent des esclaves, mais en pebt nombre; cependant, quoique peu nches, ils ont toujours le moyen d'entretenir quelques hommes qui leur servent de gardes et d'ecuyers et qui les accompagnent partout; ordinairement ces especes de freres d'armes, eleves avec eux et presque dans leur maison, leur sont fort attaches; ces hommes sont le pnucipal instrument de leur puissance On peut, sous la conduite d'un seul d'entre eux, parcourir non seulement les possessions du pnnee dont on est protege mais encore les terres de ses voisins, et l'on est en parfaite surete, pareequ' une insulte faite a un etranger rejaillit sur son protecteur qui ne manque pas d'en tirer vengeance par lui meme, s'il est assez fort, et dans le cas contraire avec le secours de sa famille.

Union des familles

C'est en Abazie plus que partout ailleurs que la force reelle des pnnces comme des sujets consiste dans le nombre de leurs pareils, parmi lesquels on doit compter les parens de ceux qui leur sont allies par mariage, de sorte que les ramifications d'une famille un peu nombreuse s'etendent a l'infini Tel homme qui, sans nen posseder, a beaucoup de parens, peut etre tranquille sur sa surete et celle de ses amis, car a la moindre offense, quel que soit l'agresseur, toute la famille accourt pour defendre son parent.

Cette force n'est pas individuelle comme celle d'un homme qui commande a beaucoup d'autres, car un particulier ne peut disposer de sa famille a son gre; il peut seulement lui demander dans les cas urgens l'assistance qu'il est lui meme oblige de donner a chacun des autres membres Cette union des familles est indispensable dans un pays sans lois m gouvernement et ou le droit de la force est reconnu plus que partout ailleurs Chaque particulier est oblige de donner le secours qu'il a recu ou dont il aura besoin par la suite Si deux familles considerables sont en querelle, ce qui arnve rarement, pour eviter l'effusion du sang et les malheurs qui pourroient s'ensuivre, la diete se rassemble et reconcilie les ennemis.

Lois

Il existe en Abazie quelques anciens usages que l'on peut considerer comme des lois; par exemple un assassin est vendu, mais il peut se faire remplacer; un voleur est condamne a restituer plus qu'il n'a vole. Au surplus le nombre de ces lois est tres restreint Sans avoir precisement d'autorite, les princes ont assez de credit pour influencer les opinions de la nation, et ce credit devant naturellement s'accroitre en proportion*de lenrs nchesscs, ils s'attacheront de plus en plus a ceux de qui ils les tiendront

Religion

Les Abazes n'ont point de religion, mais on voit qu'autrefois la religion chretienne du nte grec a subsiste dans ces contrees, le grand nombre d'eglises que l'on trouve dans les montagnes en est la preuve Les habitans pratiquent tous les ans une ceremonie qui parait etre un reste du christianisme ils immolent un boeuf devant une croix de pierre, puis le mangent sur le heu; ensuite ils se livrent a ditTerens exercices du corps Cependant quelques nus de ceux qui habitent pres de Kelassour s'appellent mahometans et portent le turban; ceux de Soouk-sou se disent chretiens, mais ni les uns ni les autres n'ont la moindre connoissance de leur religion dont ils observent a peine quelques ceremonies exterieures sans en connottre le but ni la signification morale

Il y aurait un avantage inappreciable a s'occuper de ce pays et particulierement a inspirer aux Abazes le gout du travail et a les habituer a tenu-leur subsistance de la main des Russes Le commerce, en leur faisant connottre de nouveaux besoins, les forcerait a s'adonner a l'agriculture qui leur procurerait le moyen de les satisfaire et a tirer parti a notre avantage de plusieurs produits de leur pays dont ils ignorent la valeur Ces relations seraient peut etre leur premier pas vers la civilisation et le terme de leur haine injuste

Il ne sera peut-etre pas superflu d'ajouter ici quelques notions sur la Mingrelie et l'Inureth, provinces de l'Empire dans lesquelles l'Abazie se trouve enclavee.

Description de la Mingrelie

La Mingrehe ait une plaine que s'etend sur la cote de la Mer Noire depuis l'embouchure du Phase jusqu'au dela de l'Ingour dans la partie nord-est il y a quelques montagnes, de meme que l'Inureth et l'Abazie, ce n'est qu'une vaste foret dans laquelle on trouve ca et la quelques endroit cultives ; Le bois n'y est pas d'une tres bonne qualite a, couse de la nature du terrain ! qui est presque portout bas et marecageux

Elle est arrosee par l'Ingour qui est navigable a une grande distance de son embouchure pres de laquelle est le petit fort d'Anagne Le prince Dadiani, souverain de la Mingrelie, a sur cette riviere des pecheries tres producti, ves Anagne n'est garde que par quelques hommes La Khopi qui se jette dans la mer au dessus d'Anagne pres de Redout kale, est navigable pour de gros bfttcaux turcs jusqu'a vingt-cinq verstes de son embouchure; il est vrai que ces bateaux tirent tres peu d'eau Les gros temps font souvent changer l'embouchure de la miere et il est a craindre que par la suite elle ne cesse totalement d'etre navigable a cause de la grande quantite d'arbres qui y tombent et que l'on n'a pas le soin de retirer; deja dans quelques endroits ils rendent le passage difficile.

Redout-kale

Redout kale est un petit poste entoure de retranchements et garde par un bataillon d'infanterie II est environne de bois dont il est separe par un marais. A une verste du fort il y a vingt-deux boutiques ou l'on vend diver ses bagatelles necessaires a la garnison, et de plus du fer, du sel et de la laine; l'endroit est malsain a cause du mauvais air qui fait perir beaucoup de monde

Le Phase qui separe l'Imireth de la Mingrelie, est navigable a cinquante verstes environ de son embouchure; plus haut son lit est trop etroit et beau coup trop rapide il est assez poissonneux, mais faute de filets les habitans ne profitent pas de cet avantage

Poti

C'est a l'embouchure du Phase, sur sa nve gauche que se trouve la petite forteresse de Poti Quoiqu'enclavee dans le territoire russe, elle appartient aux Turcs, ainsi que sa banlieue de quelques verstes de rayon Son marche est assez bien fourni et il s'y fait un petit commerce des productions du pays en echange desquelles ou y porte de Treoizonde les memes objets qu'a Soukhoum Poti est construite comme cette derniere forteresse et cependant mille Russes furent trois mois a s'en rendre maitres il est vrai qu'ils n'avoient qu'une piece d'artillerie de campagne et que l'humidite du terrain fit manquer la mine qu'ils tenterent La forteresse est environnee de marais que le Phase couvre au priutemps.

Grande route de Tiflis

La route qui traverse la Mingrelie commence a Redout-kale et va jus qu'a la riviere de Tshenis tsqali (la riviere des chevaux) qni est assez rapide et navigable pour les caiouks, espece de petits bateaux faits d'un seul tronc d'arbre On la passe a Maranc, village ou il y a une poste russe et un mar che peu fourni Dans la Mingrelie cette route a cent verstes environ, elle y traverse quelques miserables villages Quoique large, elle n'est pas praticable partout pour les chariots, et en certaines saisons il y a des endroits ou clic ne l'est pas meme pour les chevaux II en existe une autre qui, suivant la grande pendant quelque verstes1, prend a gauche et passe a Senaki ou le pnnee Dadiani a une maison et ou il y a quelques boutiques Cet endroit n'est qu'un mauvais village dont la population est tout au plus de quatre a cinq cents habitans qui sont tres pauvres En suivant cette route on passe la Tshenis-tsqali a quelques verstes au dessus de Marane; elle se continue en Imircth ou elle traverse la ville de Khoni qui ressemble en tout a Senaki Quoique cette route soit plus courte que la grande, la poste n'y passe point Celle-ci entre Marane et Kou-tais traverse une belle plaine dans laquelle on trouve quelques endroits cultives et des taillis. [652]

Koutais, capitale de l'Imireth

Koutois, capitale de l'Imireth, est situee sur la rive gauche du Phase a soixante - dix verstes de son embouchure, dans une plaine qui s'etend jusqu'a la mer et dont plusieurs parties sont marecageuses La ville est dominee par les collines qui bordent les deux nves, sur l'une de celles de la rive droite on a construit un polygone dont les courtines sont flanquees de bastions a tourelles, mais ce petit fort est inutile, etant domine lui meme par uue montagne voisine On voit sur cette meme colline les restes d'une belle eglise qui appartenoit a un couvent aussi ruine Au dessous de la ville sont les mines du palais des rois d'Inureth qui a la plus chetive apparence.

Kontais est batie sans ordre et entierement composee de petites maisons imirethiennes qui ont chacune leur clos particulier II n'y a d'apparent que les casernes, les hopitaux et la maison du general on y trouve une eglise catholique desservie par des capucins italiens.

La ville renferme pres de deux cents petites boutiques Le commerce y est fort peu de chose, il consiste en productions du pays, on y trouve cependant quelques marchandises d'Europe, de Perse et de Turquie; ces dernieres sont amenees d'Akholtsikhe et les autres de Tiflis a dos de chevaux; elles consistent surtout en etoffes communes, quincailleries et autres menus objets servant a la parure des femmes, le tout fabrique en Turquie ou en Perse Cependant les officiers russes font venir de Russie les draps dont ils s'habillent

Etat general de l'Imireth et de la Mingrelie

En general l'Imireth et la Mingrelie presentent l'aspect de la misere Les habitons ignorans et paresseux ne savent point tarer parti d'un sol favorise de la nature; par leur maniere de vivre, de se loger et de se nourrir ils ont beaucoup d'analogie avec les Abazes; leur habillement differe peu de celui de ces deniers et il tient quelque ebose du costume georgien Sans avoir la meme inclination que les Abazes pour le brigandage, ce qu'il faut attribuer a l'existence d'un gouvernement regulier, ils sont tout aussi portes a la fraude et a la mauvaise foi et n'ont pas leurs m?urs hospitalieres. Ils suivent le nte grec sans connottre leur religion qui ne consiste pour eux que dans l'observation des caremes et de quelques ceremonies; leurs pretres sont fort ignorans et leurs eglises nombreuses, mais pauvres et mal entretenues Il est d'usage en Imireth de porter une ecri-toire a la ceintuie quand on sait lire et eenre

Ce pays est un peu plus eleve que la Mingrelie, il renferme cependant de grandes plaines a l'occident; la partie oneutale est montagneuse et inculte Les productions de ces deux provinces sont les memes que celles de l'Abazie, mais on en tire peu de parti, surtout des forets.

La population de chacune d'elles n'est guere que de quarante mille ames, elle se montait a cent vingt mille avant 1812, epoque ou la peste et la famine y firent d'affreux ravages Les paysans sont serfs; le clerge en possede pres d'un tiers autrefois les seigneurs les vendoient; leurs droits a cet egard sont aujourd'hui restreints

Route de Tiflis

De Koutais la grande route continue, en partie a travers une plaine agreable, peu boisee et assez bien arrosee par de petits ruisseax; au poste de Enloff (Kvinla') elle entre dans les montagnes qui regnent jusqu'a Souram qui en est a cinquante-cinq ou soixante verstes et a quatre-vingt quinze environ de Koutais Les montagnes sont incultes, couvertes de bois ou l'on trouve beaucoap de pins et de sapins on y voit (a et la quelques ruines de vieux chateaux; il y a beaucoup de ruisseaux dans les vallees La route est assez large pour les chariots du pays dont on fait fort peu d'usage; on assure cependant qu'elle sera elargie; elle est assez frequentee

On pretend qu'en ete l'on court quelque danger dans ces montagnes a cause des Circassiens qui penetrent jusque la et enlevent les voyageurs; ces malheurs sont cependant devenus tres rares depuis que le pays est bien garde.

Souram en Karthalinie

Souram est un chateau-fort sur une montagne il n'est pas en tres bon etat; c'est la premiere place de la Karthalmie autrement nommee Karduel On y trouve quelques Juifs qui habitent sous terre comme dans toute la Georgie; ces demeures souterraines sont assez grandes et divisees en plusieurs compartimens occupes par les maitres et par leurs bestiaux.

Karthalinie

La Karthalinie est une belle plaine qui s'etend entre deux chaines de montagnes assez bien boisees; elle est divisee en deux par une chaine de collines tres peu elevees Le sol est fertile, bien cultive et la population assez considerable; on trouve presque dans tous les villages des chateaux-forts ou des tours qui servoient de refuge aux habitans dans le tems des guerres avec la Perse ou des incursions des montagnards.

Gori.

De Souram a Gon, chef-lieu de district, la distance est de quarante-quatre verstes, la route traverse toujours la plaine, elle est belle, sure et coupee par quelques ruisseaux Gon est une petite ville sur les bords du Cyrus qui, dans cet endroit, est peu profond, assez rapide et partage en plusieurs bras; il coule sur un ht de cailloux La ville est construite au pied d'nne colline dont le penchant est occupe par un chateau-fort en terrasses C'est le premier endroit ou l'on trouve quelques edifices d'une architecture europeenne, ils sont tous construits de bnques et de cailloux artistement ranges ce qui leur donne un aspect original De meme qu'a Tiflis, les toits sont plats, en raison du peu de bois qu'il y a dans les euvirons et de la difficulte de le trausporter; d'ailleurs les habitants aiment a, se coucher pendant l'ete sur leurs maisons pour jouir de la fraicheur de l'air Il y en a cependant beaucoup sous terre La ville est petite et peu riche.

De Gon a Tiflis la route cotoie le Cyrus pendant soixante et quelques verstes; elle ne s'en eloigne qne dans quelques endroits A vingt verstes de Tifiis elle passe pres de la petite ville de Mtzkhet sur la nve gauche du Cyrus C'est la que l'on couronnoit les rois On y trouve une eglise, un chateau, quelques maisons et un petit bazar Cette ville est au dessous de la descnption que l'on en fait.

A quelques verstes de Tiflis le pays devient montagneux, cependant la route est fort belle et assez large pour les chariots dont on se sert en Kaitha-linie et en Georgie.