81. Письмо гр. Нессельроде к ген. Ермолову, от 28-го мая 1820 года.

Le rapport ci-joint en copie que le Ministere a eu l'honneur de soumettre a l'Empereur a ete motive par la proposition du Comte de Langeron d'occuper l'ile de Kara-Kouban, afin de garantir par ce moyen notre frontiere de ce cote-la contre les incursions des Circassiens.

Sa Majeste, en daignant approuver la mesure proposee, a voulu toutefois en differer l'execution pour connaitre au prealable l'opinion de V. Ex., vu que cette partie de notre frontiere asiatique se trouve egalement placee aujourd'hui sous votre commandement

La presente depeche n'a donc pour objet que de vous inviter, Mr. le General, a nous transmettre vos idees a cet egard Elles serviront de base aux determinations ulterieures de l'Empereur que nous nous empresserons de vous communiquer en son temps.

Parmi les projets presentes parle Conseiller de Cour Scassi relativement a nos etablissements du cote du Kouban et sur les moyens de girantir notre frontiere contre les incursions des Circassiens, celui de l'occupation de l’ile de Kara Kouban merite une attention particuliere.

Les avantages qu'il promet ne semblent pas devoir etre revoques en doute Ils sont developpes dans une notice de Mr. Scassi que le comte de Lun geron vient de commuuiquer an Ministere, en proposant de proceder immediatement a l'execution de cette mesure.

La rive droite du Kouban sur laquelle se trouve actuellement notre ligne de redoutes, en face de l'ile de Kara-Koubany est basse, couverte de marais et d'immenses roseaux Les batteries, placees a de trop grandes distauces l'une de l'autre ne peuvent se soutenir mutuellement Les piquets sont dans l'impossibilite de decouvrir les mouvements des Circassiens qui ont la faculte de passer a couvert sur l'ile de Kara-Kouban, d'y cacher des forces considerables et de choisir des lors le moment favorable a leur eutrepnse.

Cette ile qui a 75 ventes de longueur sur 9 a 12 de largeur entre les deux branches du Kouban par lesquelles elle est lorniee, etant pins elevee que les rives voisines, domine les plaines des Circassiens; c'est l'endroit par ou ils [866] doivent passer pour tenter des incursions depuis Tchernolieskaia jusqu'au dela de Kourka, a cuuse des marais qui se trouvent plus haut et plus bas de leur cote.

Son occupation nous mettrait par consequent a meme de prevenir les incursions clandestines des Circassiens, couvrirait le passage des chemins depuis Tchernolieskaia, jusqu'a Kourka et rendrait inutiles les redoutes de Kopyl, Kalaous Emanuel et Staryi-redoutes, postes aussi difficiles a garder que funestes a la sante des cosaques qui y sont stationnes. Le reste de la frontiere acquerrait d'ailleurs beaucoup plus de surete, vu que les Circassiens n'oseraient s'exposer a etre coupes par la sortie des forces de cet endroit.

Tels sont les avantages qui resulteront de l'occupation de l'ile de Kara-Kouban et qui font desirer an C-te de Langeron de l'effectuer sans delai.

Quelque incontestable que paraisse l'utilite de cette mesure, il devient toutefois necessaire de prendre en mure consideration plusieurs circonstances locales qui s'y rattachent.

Situee en deca de la branche principale du Konban, cette ile se trouve, des lors, comprise dans la limite que nos traites avec la Porte nous assi gnent sur ce point Aussi n'a-t on pas songe jusqu'ici a nous en contester la propriete, et Mr. le Duc de Richelieu en conferait la possession usufruitiere aux fils du prince Kalabal-oglou par un bail qu'il renou\elait chaque annee.

Neanmoins les Circassiens ne sont pas habitues a la vou: occupee par nous, et il serait peut-etre a craindre qn'un mouvement de troupes de ce cote et la construction de nouvelles fortifications ne repandent l'alarme parmi toutes ces peuplades, si ces mesures n'etaient pas executees avec quelques menagements. Elles croiraient y voir des projets hostiles de notre part et feraient bientot partager leurs craintes a la Porte elle-meme.

Il semble donc qu'il serait utile d'aviser a tous les moyens possibles de prudence et de circonspection afin d'eviter ces inconvenients et assurer par la l'execution de la mesure proposee sans qu'elle puisse devenir un sujet d'epouvante pour les Circassiens.

En prenant la liberte de Vous soumettre, Sire, ces considerations, je prie Votre Majeste de daigner faire connaitre Ses intentions a cet egard.